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La préhistoire

De FNEEQ - 50 ans à faire école par nos luttes

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Au tournant du XXe siècle, l’emprise de la religion sur le système scolaire québécois est totale. Les comités catholiques et protestants ont l’autorité exclusive sur les programmes et le personnel enseignant des écoles publiques. Du côté francophone, presque tout l’enseignement donnant accès à l’université est privé et relève d’institutions religieuses. Les écoles publiques sont sous-financées et peinent à se voir reconnaitre par le niveau de l’enseignement supérieur, lui aussi privé.

Le baby-boom qui survient après 1945 pose problème du côté francophone. Le nombre grandissant d’enfants dans les systèmes d’éducation public et privé – le nombre d’étudiants réguliers double entre 1945 et 1962, atteignant les 1 350 000 [1] –, le peu de places disponibles et le manque d’infrastructures exigent un sérieux coup de barre. Le gouvernement libéral de Jean Lesage, élu en 1960, accélère le processus, met en place la commission Parent, crée le ministère de l’Éducation, modifie les ordres d’enseignement en créant un réseau collégial public, le chainon manquant. Le secteur de l’éducation est en pleine transformation.

Les premiers syndicats d’enseignantes et d’enseignants à approcher la Confédération des syndicats nationaux (CSN) viennent des collèges privés et des écoles gouvernementales, ceux du primaire et du secondaire étant déjà à la Corporation générale des instituteurs et institutrices catholiques (CIC), l’ancêtre de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

En 1947, une première convention collective est signée dans l’enseignement privé, au Séminaire de Québec. C’est le travail de l’Association professionnelle des professeurs laïques de l’enseignement secondaire (APPLES). L’Association représente la dizaine de professeures et professeurs laïques du Séminaire et en regroupe, en tout, une quarantaine de divers collèges classiques de Montréal, Québec et Rimouski.

Pour donner une idée du peu d’enseignantes et d’enseignants ne faisant pas partie du clergé, on trouve à ce moment-là à peine 75 professeures et professeurs laïques dans les écoles privées, les collèges classiques et divers séminaires de la province, les religieux formant la quasitotalité du corps professoral de ces institutions.

À partir des années 1940, la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) modernise son fonctionnement et devient petit à petit le mouvement syndical progressiste que nous connaissons aujourd’hui. Sa déconfessionnalisation est complétée au Congrès de septembre 1960, alors que la CTCC devient la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Le Québec et la CSN sont au début d’un vaste mouvement qui sera baptisé Révolution tranquille. La CSN voit rapidement tout le potentiel qu’offre la syndicalisation du secteur public québécois, en pleine réorganisation.

Les premiers syndicats

Les deux premiers syndicats d’enseignantes et d’enseignants à adhérer à la CSN, l’APPES et l’Association professionnelle des professeurs-laïcs des collèges classiques (APPLEC) le font à la faveur de ce vaste mouvement de syndicalisation du début des années 1960.

En 1961, les quelque 1400 professeurs des écoles publiques spécialisées se regroupent dans l’Association professionnelle des professeurs de l’enseignement spécialisé (APPLES) et prennent contact avec la CSN. À la même époque, l’APPLEC fait la même démarche à la recherche d’une affiliation syndicale.

Les deux associations intègrent la CSN en 1964. L’APPLES le fait grâce au tout nouveau Code du travail. L’APPLEC la rejoint pour faire face à la situation créée par le nouveau ministère de l’Éducation, les conclusions du rapport Parent et la mise en place prochaine des instituts projetés, qui allaient intégrer grand nombre des collèges classiques et séminaires. Les collèges classiques verraient ainsi leur clientèle se redistribuer dans les niveaux d’enseignement préconisés par le rapport Parent : primaire, secondaire et collégial (préuniversitaire).

Comme il n’y a pas de fédération d’enseignantes et d’enseignants à la CSN à ce moment-là, les deux syndicats s’affilient directement à la Confédération, un fait inhabituel, mais temporaire, tout le monde regardant la possibilité de créer une fédération du personnel enseignant. Dans le mouvement d’affiliation, l’APPES devient le Syndicat des professeurs de l’État du Québec (SPEQ) et l’APPLEC, le Syndicat des professionnels de l’enseignement (SPE). En intégrant une centrale ouvrière – un cas unique dans le syndicalisme enseignant –, ces deux syndicats manifestent ainsi clairement leur solidarité et leur appartenance au mouvement ouvrier.

Ces deux syndicats seuls, regroupant à peine 1500 membres, n’ont pas les reins assez solides pour soutenir une structure de fédération au sein de la centrale, mais la création des sept premiers cégeps en 1967, rapidement suivis par cinq autres, puis par douze autres en 1968, change la donne, fournissant la masse critique pour donner naissance en 1969 à la nouvelle fédération d’enseignantes et d’enseignants, la FNEQ – Fédération nationale des enseignants québécois.

On répète souvent que la CSN a forcé la création de cette fédération d’enseignantes et d’enseignants : ce n’est pas exact. Oui, la CSN a voté en conseil puis en Congrès la nécessité de créer cette fédération, mais elle ne faisait qu'entériner la volonté des enseignants, depuis longtemps exprimée, de se doter d'une fédération.

Le Code du travail

Paul Doyon a été une personne clé pour amener à la CSN les enseignantes et les enseignants des écoles spécialisées et des collèges classiques

«L’adoption du Code du travail (1964) et de la Loi sur la fonction publique (1965) sont deux moments importants de l’histoire des relations du travail au Québec. Le Code du travail reconnaît certains droits syndicaux fondamentaux, dont le droit d’association ainsi que le droit de grève dans les hôpitaux, les municipalités et les commissions scolaires. En 1965, les enseignantes et les enseignants obtiennent à leur tour le droit de grève, de même que les fonctionnaires. De plus, ces derniers ont dorénavant le droit de s’affilier à une centrale syndicale.

Ces gains sont le fruit d’un compromis social plus large. En fait, les acteurs de l’époque cherchent à pacifier les relations du travail en structurant l’exercice du droit de grève. En effet, après 1964, l’exercice de ce droit est reconnu exclusivement aux syndicats. De plus, le droit de grève ne pourra s’exercer qu’en période de négociation, et ce, en fonction du respect de nombreux critères prévus par la loi [2]

Paul Doyon

Paul Doyon devient conseiller syndical à la CSN dès 1964, avant que n’existe la FNEQ. Il est recruté principalement pour sa connaissance du secteur de l’enseignement spécialisé.

Employé au Devoir jusqu’en 1959, il rencontre André L’Heureux qui, avant d’être à la CSN, a été un des secrétaires de Paul Gérin-Lajoie, preuve de l’effervescence de la prise du pouvoir des libéraux. Au Ministère, il rencontre Arthur Tremblay et devient secrétaire du comité technique sur les études techniques et professionnelles qu’il préside. Doyon constate alors que les écoles à vocation particulière sont plus dynamiques que les autres écoles techniques du fait de leur plus grande autonomie. Il comprend alors l’importance du contrôle local des écoles.

« La CSN, en la personne de Robert Sauvé, m’a offert de travailler avec les enseignants, particulièrement ceux des écoles spécialisées, qu’ils cherchaient à syndiquer. J’ai toujours cru important le rôle des profs dans la gestion de leurs établissements. À cette époque, c’était dans l’air, les comités des relations professionnelles allaient dans ce sens. Le but: donner de l’autonomie aux professeurs, qui allaient ensuite former des étudiants autonomes. En plein mon idéologie syndicale[3]. »

Dans les collèges privés

Jean-Pierre Boutin, du SPEQ, deviendra en 1969 le premier président de la nouvelle Fédération nationale des enseignants québécois

Vers la fin des années 1930 et le début des années 1940, des professeures et professeurs laïques tentent de pénétrer le monde clos des écoles privées, collèges classiques et séminaires, contrôlés par le clergé. L’accueil ne leur est pas favorable, les institutions n’ayant pas les fonds nécessaires, disent-elles, pour payer des salaires à des laïques. Il leur faudrait une aide gouvernementale qui ne vient pas.

Les représentants du SPEQ signent leur première convention collective avec le ministre Marcel Masse, de l’Union nationale.

En 1945, quelques professeures et professeurs laïques à l’emploi des collèges classiques de Québec, Montréal et Rimouski se regroupent sous le vocable APPLES, Association professionnelle des professeurs laïques de l’enseignement secondaire [4] .

Claude de Lorimier, Paul Doyon et Claude Sabourin discutent stratégie

L’Association, qui compte alors une quarantaine de membres sur les 75 professeures et professeurs laïques de la province, signe en janvier 1947 sa toute première convention avec le Petit séminaire de Québec, le plus ancien syndicat de la FNEEQ. La dizaine de professeures et professeurs laïques qui s’y trouvent négocient ainsi pour la première fois leurs conditions de travail. Le journal Le Soleil de Québec rend compte de la cérémonie de signature et du contentement de Paul Laberge, secrétaire de l’APPLES : «M. Laberge a tenu à exprimer la reconnaissance de l’Association pour le Séminaire de Québec qui vient de reconnaître officiellement et de façon pratique leur groupe professionnel. Son geste est aussi un hommage aux professeurs-laïcs qui ont toujours coopéré dans la province pour maintenir notre enseignement secondaire au haut niveau auquel l’ont porté nos institutions religieuses d’enseignement [5]

Dans les années 1950, sous la pression démographique et une présence de plus en plus grande des sciences dans l’enseignement, les écoles privées font appel en plus grand nombre à des professeures et professeurs laïques [6] . Vers 1953, selon le quotidien Le Soleil, on évalue leur nombre à 150, soit le tiers du corps enseignant de ces institutions [7]. C’est dire la petitesse du système d’éducation francophone menant à l’université ou au grand séminaire.

En 1956, l’APPLES devient l’APPLEC, troquant le vocable «secondaire» pour celui de «classique». Au début des années 1960, le nombre de professeures et professeurs laïques présents dans ces collèges augmente et des sections existent à Québec, Montréal, Chicoutimi, Rimouski, Hauterive et Mont-Laurier.

En 1964, l’Association s’affilie à la CSN et devient l’année suivante le Syndicat des professionnels de l’enseignement (SPE-CSN), à la faveur des changements introduits dans le nouveau Code du travail.

Jusqu’en 1964, l’APPLEC négocie sur une base locale. Les conditions de travail s’avèrent donc différentes d’un collège à l’autre. «Les négociations (sont) soumises aux conditions du milieu», nous dit Michel Dumas, secrétaire exécutif du syndicat. «Dans les années 60, ajoutet-il, on voit même la FCC [NDLR : Fédération des collèges classiques], organisme patronal, statuer sur les conditions de travail des professeurs. L’APPLEC, alors beaucoup moins représentative, dut accepter ce renversement des rôles à une époque où les professeurs-laïcs étaient souvent considérés comme des frères coadjuteurs… [8]»

En 1965, le syndicat prend de l’ampleur avec son affiliation à la CSN : ouverture d’un bureau permanent, publication d’un journal et collaborations avec son colocataire, le Syndicat des enseignants des écoles gouvernementales (SPEQ), un autre syndicat d’enseignantes et d’enseignants qui vient d’adhérer à la CSN [9] .

Cette même année, le syndicat crée le «pool de Montréal», un regroupement de dix collèges qui veulent renégocier ensemble leur convention collective. Ils croient que le temps est venu pour une négociation commune: les dix collèges se trouvent sur un même territoire, dans une même zone économique. Aucune raison donc d’avoir des conditions de travail différentes.

Devant une menace de grève, les collèges font des concessions: ils acceptent la cogestion et la permanence après deux ans. Ce succès amène le syndicat à vouloir une négociation provinciale. Les différentes sections du SPE s’entendent sur un projet commun de convention collective et exigent la négociation provinciale. Trente-deux collèges sur trente-quatre acceptent la proposition. Les négociations commencent le 11 août 1967, mais elles trainent. La partie patronale ne semble pas pressée. La Fédération des collèges classiques attend la manne gouvernementale pour ouvrir ses coffres. Or, les représentants gouvernementaux ne s’engagent pas, même s’ils sont présents à la table.

En congrès, en 1967, le SPE adopte à l’unanimité le projet d’une fédération du personnel enseignant affiliée à la CSN. Le syndicat veut lutter avec tous les autres membres de la centrale pour l’amélioration de la vie politique et économique des citoyens et pour leur droit à une démocratisation de l’enseignement sous toutes ses formes [10].

La structure prévue est composée de trois secteurs: cégep, gouvernemental (SPEQ) et privé (SPE). Le projet fait le tour des secteurs. La fédération imaginée à ce moment-là est un regroupement de secteurs, chacun ayant son assemblée générale et son exécutif.

Ce système est adopté lors du Congrès de fondation et perdure jusqu’en 1972.

Le premier budget de la Fédération est évalué à 121 200$ pour une cotisation annuelle de 26,33$ par membre [11].

La main invisible

Les professeurs des institutions privées savent très bien que la main invisible à la table de négociations est celle du ministre de l’Éducation. Loin de s’opposer au rôle déterminant de l’État en éducation, les professeurs du SPE souhaitent que le ministre de l’Éducation s’affiche une fois pour toutes comme le seul interlocuteur valable dans les négociations.

Pour les professeurs du SPE, la question de revendications salariales n’est pas prioritaire. Ils sont prêts à discuter et à accepter rapidement un traitement juste, conforme à leur formation universitaire, à la fonction sociale qu’ils exercent.

En revanche, les professeurs du SPE estiment que leur droit de participer à l’élaboration des politiques pédagogiques, c’est-à-dire professionnelles, est un droit indéniable qu’on doit inscrire dans une convention collective de travail, même dans celles des institutions privées. Comme les institutions publiques, les institutions privées exercent une fonction sociale et à ce titre elles doivent laisser une place, dans leurs centres de décisions administratifs, aux spécialistes de la pédagogie. Cette revendication n’a rien à voir avec le droit de gérance. On veut que le professeur forme des esprits autonomes, capables d’imaginer les solutions aux problèmes de notre société en évolution accélérée et qu’on accorde alors au professeur la liberté d’inventer lui-même les solutions aux problèmes de sa propre profession. Présentement, le refus du gouvernement de s’affirmer comme un interlocuteur valable dans les négociations du SPE conduit à des conséquences graves, de nature à retarder sérieusement les réformes que tous souhaitent.

Jean-Noël ROULEAU, Éducation Québécoise, vol. 1, no 7, avril 1968

Dans les écoles spécialisées

L’Association professionnelle des professeurs de l’enseignement spécialisé (APPES) est née en 1961, dans la foulée des réformes envisagées dans les relations de travail entre le gouvernement et les personnes qu’il emploie. L’Association regroupe alors les 1400 professeures et professeurs enseignant dans des écoles gouvernementales, techniques ou de métier.

Dès sa création en 1961, ce groupe d’enseignantes et d’enseignants approche la CSN. En février 1962, leur association demande une incorporation en vertu de la Loi des syndicats professionnels, malgré le fait que la loi les régissant leur interdit le recours à une sentence exécutoire ainsi qu’à toute grève et à toute affiliation à une centrale syndicale. En mars, le gouvernement refuse donc l’incorporation, sans autre explication que son bon vouloir.

Pendant tout ce temps, l’APPES participe activement à l’effort de syndicalisation de la CSN auprès des employés et employées du gouvernement. En 1963, l’Association demande à la Commission des relations ouvrières (CRO) une reconnaissance comme regroupement syndical. Une rencontre avec la Commission a lieu le 30 janvier 1963 en compagnie de trois autres associations faisant des démarches similaires : celle des employés de la Régie des alcools, celle des employés de l’Office des autoroutes et celle des inspecteurs d’écoles. Cette rencontre, selon l’APPES, « marquera le prélude de la syndicalisation des employés de la fonction publique [12] ».

Le 14 aout 1963, la CRO reconnait l’Association. C’est le début de son ère syndicale; elle devient le premier syndicat d’enseignantes et d’enseignants membre de la CSN. La décision de la CRO indique que l’Association est la seule représentante et l’agente négociatrice pour tous les professeurs de l’enseignement spécialisé et que le gouvernement, comme employeur, est tenu de respecter la loi sur les relations ouvrières et doit négocier même s’il n’a pas encore statué sur la forme que prendra cette négociation.

L’adoption en 1964 du nouveau Code du travail accorde aux travailleuses et travailleurs des secteurs public et parapublic le droit de grève, duquel sont privés les fonctionnaires et le personnel enseignant. Ils l’obtiennent cependant en 1965. Leur syndicat respectif peut également s’affilier à une centrale syndicale, ce que font aussitôt le SPE et le Syndicat des professeurs de l’État du Québec (SPEQ), anciennement nommé l’APPES.

Fort de ce nouveau statut, le SPEQ entreprend la négociation avec le gouvernement pour arriver à une première convention collective négociée depuis sa création en 1961. En avril 1966, le blocage des négociations amène les membres à déclencher une grève de trois semaines, à laquelle le gouvernement répond par des injonctions ordonnant le retour au travail. Devant le refus syndical de se conformer, la Cour supérieure condamne le SPEQ à une amende de 2000$ et 12 de ses dirigeants ainsi que leur conseiller technique à 20 jours de prison. La cause est portée en appel. Le Congrès de la CSN manifeste son appui au syndicat devant le Parlement de Québec. Cette solidarité montre aux membres des deux syndicats nouvellement affiliés que l’appui du mouvement ouvrier est acquis à leur lutte et qu’ils peuvent compter sur la CSN pour les défendre.

Le syndicat obtient finalement ce premier contrat de travail. Le journal de la CSN en fait état: «On peut maintenant espérer, souligne leur conseiller technique, le confrère Paul Doyon, qu’en outre des avantages acquis, les professeurs, par leur grève, auront appris au gouvernement et aux employeurs qu’il ne sert à rien de se retrancher, comme des pharisiens, derrière la légalité et les injonctions pour refuser les justes revendications d’un groupe de travailleurs [13]

En 1968, la Cour d’appel confirme le jugement de la Cour supérieure. Le SPEQ doit payer l’amende de 2000$ et les dirigeants ainsi que le conseiller technique doivent faire les 20 jours de prison auxquels ils ont été condamnés.

Les 13 du SPEQ

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Les 13 personnes condamnées à 20 jours de prison: Claude DeLorimier, professeur à l’École normale Jacques-Cartier à Montréal et secrétaire exécutif du SPEQ, membre du Conseil supérieur de l’Éducation; Claude Desroches, professeur à l’Institut des Arts graphiques de Montréal; Paul Doyon, conseiller technique du SPEQ; Jean-Guy Farrier, professeur à l’Institut de technologie de Shawinigan; André Lamontagne, trésorier du SPEQ et professeur à l’Institut de technologie de Lauzon; Charles-Auguste Langlois, professeur à l’Institut de technologie agricole de La Pocatière; Claude Legendre, professeur à l’École des métiers de Rimouski; Léonce Marcotte, professeur à l’École des métiers de Laprairie; Claude Poissant, professeur à l’École des métiers d’Amos; Jean Rioux, professeur à l’École normale Laval à Québec; Jean-Paul Simard, professeur à l’École des métiers d’Alma; Claude Sabourin, professeur à l’École normale d’enseignement technique à Montréal; Raymond Vézina, professeur à l’École normale Jacques-Cartier à Montréal.

Les nouveaux syndicats des cégeps

Les syndicats des cégeps [14] naissent avec la création des nouveaux collèges. La période de syndicalisation oppose la CEQ et la CSN, qui l’emporte dans la grande majorité des collèges. Les syndicats des cégeps deviennent rapidement le secteur le plus important de la Fédération. Tout comme les autres syndicats d’enseignantes et d’enseignants – SPE et SPEQ – membres de la CSN, leur affiliation se fait directement à la Confédération en l’absence d’une fédération.

Les nouveaux syndicats créent le secteur cégep dès 1967. Contrairement au SPE et au SPEQ, qui sont des syndicats provinciaux avec des sections locales, chaque syndicat d’enseignantes et d’enseignants de cégep est autonome et libre de son destin. Comme leurs vis-à-vis du SPE et du SPEQ, le secteur adhère à la CSN «pour exiger une société plus juste et bâtie pour l’homme» avec les autres travailleurs organisés.

En février 1968, ils entament la négociation d’une première convention collective [15] . Neuf syndicats de cégep sont membres de la CSN à ce moment-là. En cette période de transition, la partie patronale est hybride: représentants du gouvernement, membres de corporations de CÉGEP et supérieurs de collèges. La convention collective nationale qui en résulte comprend la norme 1/15, le début d’une définition de la tâche… et d’une longue discussion.

La commission Parent

En 1961, le gouvernement de Jean Lesage lance un vaste chantier en éducation. C’est un dossier prioritaire, dont la mesure centrale est la création de la Commission d’enquête sur l’enseignement, dite la Commission Parent. La Commission siège de 1961 à 1966. En 1964, elle propose la création d’instituts offrant à la fois des parcours techniques et pré-universitaires avec pour objectif de démocratiser l'accès à l'éducation.

La création des sept premiers cégeps (Chicoutimi, Jonquière, Rouyn, Limoilou, Hull, Rimouski et Sainte-Foy) se fait en catastrophe. Leur création est décidée en juin 1967 pour une ouverture en septembre. Aucun cégep n’est prévu à ce moment-là dans la région de Montréal. On planifie plutôt la création d’une vingtaine d’autres cégeps durant l’année 1967-1968. À la suite de manifestations et de protestations, la mission qui décide de l’ouverture des cégeps annonce en aout que les cinq projets les plus avancés de la région métropolitaine verront le jour immédiatement et ouvriront leurs portes à la mi-septembre 1967. Ainsi naissent en quelques semaines des cégeps à Longueuil, Valleyfield, Sainte-Thérèse et Montréal (ceux de Maisonneuve et d’Ahuntsic). En 1967, il y a donc douze cégeps. En 1968, douze autres cégeps s’ajoutent: cinq sont situés à Montréal (Vieux-Montréal, Saint-Laurent, Rosemont, Bois-de-Boulogne et Dawson), trois dans la région métropolitaine (Joliette, Saint-Hyacinthe et Saint-Jean-sur-Richelieu), deux au Centre-du-Québec (Trois-Rivières et Shawinigan), un autre en Estrie (Sherbrooke) et le dernier en Gaspésie (Gaspé). Dawson, le premier cégep anglophone, n’ouvrira finalement qu’en 1969.

Par exemple, voici comment on décrit la fondation du cégep de Saint-Hyacinthe dans le bulletin du Centre d’histoire et d’archives du travail CHAT [16] :

«Le cégep de Saint-Hyacinthe a été créé en 1968 dans la foulée de la création du réseau des collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps). À l’origine, le cégep regroupait l’enseignement collégial du Séminaire de Saint-Hyacinthe, du Collège Saint-Maurice, de l’Institut des textiles, de l’Institut familial, des écoles normales et de l’École des infirmières.»

Le Congrès de la CSN vote la création d’une fédération du personnel enseignant

En 1968, le bureau confédéral de la CSN décide qu’aucun syndicat n’aura une affiliation directe à la centrale. Le SPE, le SPEQ et les nouveaux syndicats des cégeps sont concernés. Au Congrès confédéral qui suit, fin 1968, deux importantes résolutions sont votées: la mise sur pied d’une fédération du personnel enseignant ainsi qu’une modification des structures; les fédérations auront dorénavant la responsabilité de leurs salariés et salariées en lieu et place de la Confédération. Au même congrès, le président Marcel Pepin propose, dans son rapport au Congrès, d’ouvrir un deuxième front de lutte et de mettre sur pied des comités d’action politique dans les régions. Ce document d’orientation est majeur dans l’histoire de la centrale.

L’année 1968 représente aussi le moment de la lutte McGill français, de la crise linguistique à Saint-Léonard, de la création de l’Université du Québec, de la grève des étudiants dans plusieurs cégeps et facultés universitaires et de la naissance du Parti québécois.

  1. Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec,première partie ou tome I – Les structures supérieures du système scolaire, 1963, p. 77, consultée sur le site Web de l’assemblée nationale le 23 septembre 2019, assnat.qc.ca/bibliotheque.
  2. « Historique des lois spéciales », document élaboré par le comité de stratégie de la FNEEQ, 26 octobre 2015, p. 3.
  3. Entrevues accordées à Jacques Gauthier par Paul Doyon les 22 mars et 8 mai 2019 sur les pre­mières années de la fédération.
  4. Une bizarrerie qu’il faut noter : l’appellation « enseignement secon- daire » appartenait alors exclusivement aux collèges classiques, une sorte de marque de commerce. Les écoles publiques ne pouvaient se dire « secondaires », elles employaient pour désigner les études au-delà du primaire le terme «primaire supérieur». Une telle inscription existe encore sur la façade de l’école primaire Le Plateau, dans le parc Lafontaine à Montréal.
  5. Le Soleil, 23 mars 1947, p. 3.
  6. La Presse, 20 juin 1952, p. 17.
  7. Le Soleil, 22 juin 1953, p. 3.
  8. Michel DUMAS,E «Comment le SPE a été conduit à la négociation provinciale», texte d’une allocution de Michel Dumas, secrétaire exécutif du SPE, 1967. Archives CSN.
  9. L’APPLEC, vol. 10, n o 2, octobre 1964, p. 2.
  10. SPE, Info-Fédération, vol. 1, n o 1, mars 1968. Archives CSN.
  11. SPE, Info-Fédération, vol. 1, n o 3, juin 1968. Archives CSN.
  12. Le journal de l’APPES, vol. 1, n o 2, janvier 1963.
  13. « Une leçon pour le gouvernement », Le Travail, mai 1966, vol. 42, n o 4, p. 12
  14. Éducation Québécoise, vol. 1, n o 9, juin 1968, p. 8.
  15. Éducation Québécoise, vol. 1, n o 10, juillet-aout 1968, p. 6.
  16. La mémoire du travail, vol. 6, n o 2, printemps 2019, p. 3.