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De FNEEQ - 50 ans à faire école par nos luttes
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== Quelques jalons dans l'affirmation == | == Quelques jalons dans l'affirmation == | ||
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Il serait périlleux de faire l'historique de la négociation et des luttes enseignantes dans les cégeps en quelques pages. Ainsi, trois morceaux d'histoire choisis, soit l'épanouissement de la culture de collégialité, l'obtention du rangement 23 et les questions relatives à l'accès à l'égalité, permettront d'illustrer concrètement comment l'affirmation de la profession enseignante au collégial se traduit au fil des négociations. | Il serait périlleux de faire l'historique de la négociation et des luttes enseignantes dans les cégeps en quelques pages. Ainsi, trois morceaux d'histoire choisis, soit l'épanouissement de la culture de collégialité, l'obtention du rangement 23 et les questions relatives à l'accès à l'égalité, permettront d'illustrer concrètement comment l'affirmation de la profession enseignante au collégial se traduit au fil des négociations. | ||
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Ainsi, le rapport Parent met en évidence l’importance que la personne qui dirige l’établissement soit issue du milieu de l’enseignement et qu’elle ait une expérience disciplinaire, mais aussi du terrain, pour assurer la coordination d’un «ensemble vraiment polyvalent». Ce principe ne s’est pas incarné comme tel à travers le temps, mais il est intéressant de constater que, dès l’origine, l’expertise enseignante est identifiée comme une qualité essentielle pour la gouvernance de ce type d’établissement. Ce principe s’incarnera notamment à travers les instances collégiales que sont les départements et les comités de programme. | Ainsi, le rapport Parent met en évidence l’importance que la personne qui dirige l’établissement soit issue du milieu de l’enseignement et qu’elle ait une expérience disciplinaire, mais aussi du terrain, pour assurer la coordination d’un «ensemble vraiment polyvalent». Ce principe ne s’est pas incarné comme tel à travers le temps, mais il est intéressant de constater que, dès l’origine, l’expertise enseignante est identifiée comme une qualité essentielle pour la gouvernance de ce type d’établissement. Ce principe s’incarnera notamment à travers les instances collégiales que sont les départements et les comités de programme. | ||
− | == Les départements et | + | == Les départements et leur coordination == |
Le lieu où s’exprime sans doute le plus fortement la notion de collégialité est le département, qui regroupe les enseignantes et les enseignants d’une même discipline ou de plusieurs disciplines apparentées. Il est particulièrement intéressant de se pencher sur l’épanouissement du concept de collégialité à travers l’évolution de la notion de coordination départementale. | Le lieu où s’exprime sans doute le plus fortement la notion de collégialité est le département, qui regroupe les enseignantes et les enseignants d’une même discipline ou de plusieurs disciplines apparentées. Il est particulièrement intéressant de se pencher sur l’épanouissement du concept de collégialité à travers l’évolution de la notion de coordination départementale. | ||
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= Chargées et chargés de cours = | = Chargées et chargés de cours = | ||
== La négociation regroupée des années 2000 == | == La négociation regroupée des années 2000 == | ||
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C’est en 1987 que les syndicats de chargées et chargés de cours des universités se sont rencontrés pour la première fois pour échanger entre eux les informations concernant leurs négociations locales. Les rondes de négociation des syndicats du regroupement université<ref>Font partie du regroupement université la majorité des syndicats de chargées et chargés de cours du Québec ainsi que le Syndicat des tuteurs et tutrices de la télé-université et l’Association des maîtres d’enseignement de l’ÉTS.</ref> se déroulent sur une période de deux ou trois ans, à la suite de laquelle un bilan est fait par la coordination du regroupement en collaboration avec les représentants des syndicats. Lors de la ronde de négociations des années 1999-2001, les membres du regroupement se sont entendus pour formuler des demandes communes, définir un plan d’action commun et favoriser une plus grande circulation de l’information. Cette formule de négociation a permis aux syndicats de réaliser des gains majeurs, particulièrement en ce qui concerne les salaires. | C’est en 1987 que les syndicats de chargées et chargés de cours des universités se sont rencontrés pour la première fois pour échanger entre eux les informations concernant leurs négociations locales. Les rondes de négociation des syndicats du regroupement université<ref>Font partie du regroupement université la majorité des syndicats de chargées et chargés de cours du Québec ainsi que le Syndicat des tuteurs et tutrices de la télé-université et l’Association des maîtres d’enseignement de l’ÉTS.</ref> se déroulent sur une période de deux ou trois ans, à la suite de laquelle un bilan est fait par la coordination du regroupement en collaboration avec les représentants des syndicats. Lors de la ronde de négociations des années 1999-2001, les membres du regroupement se sont entendus pour formuler des demandes communes, définir un plan d’action commun et favoriser une plus grande circulation de l’information. Cette formule de négociation a permis aux syndicats de réaliser des gains majeurs, particulièrement en ce qui concerne les salaires. | ||
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== Des organisations de Blancs? == | == Des organisations de Blancs? == | ||
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Syndiquer un nouveau milieu n’est jamais facile, mais syndiquer un milieu autochtone est encore plus difficile. Évidemment, il y a les obstacles habituels, mais à cela s’ajoute la perception que les syndicats sont des organisations de Blancs qui viennent dire aux Autochtones comment gérer leurs relations de travail. Certaines personnes croyaient que les activités culturelles et tout ce qui faisait la particularité de notre milieu allaient disparaitre et que la syndicalisation allait appauvrir la communauté. Étrangement, ces propos ne venaient pas de notre employeur, mais de nos élèves et de nos membres syndiqués. | Syndiquer un nouveau milieu n’est jamais facile, mais syndiquer un milieu autochtone est encore plus difficile. Évidemment, il y a les obstacles habituels, mais à cela s’ajoute la perception que les syndicats sont des organisations de Blancs qui viennent dire aux Autochtones comment gérer leurs relations de travail. Certaines personnes croyaient que les activités culturelles et tout ce qui faisait la particularité de notre milieu allaient disparaitre et que la syndicalisation allait appauvrir la communauté. Étrangement, ces propos ne venaient pas de notre employeur, mais de nos élèves et de nos membres syndiqués. | ||
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== Activiste et solidaire! == | == Activiste et solidaire! == | ||
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Brosser le tableau de l’action internationale de la FNEEQ des 50 dernières années représente tout un défi! La toute jeune Fédération se préoccupe d’enjeux internationaux peu après sa fondation. La présidence représente la Fédération auprès de la Confédération syndicale mondiale de l’enseignement (CSME) associée à la Confédération mondiale du travail (CMT). C’est le comité exécutif qui voit aux demandes de solidarité d’ici et d’ailleurs. | Brosser le tableau de l’action internationale de la FNEEQ des 50 dernières années représente tout un défi! La toute jeune Fédération se préoccupe d’enjeux internationaux peu après sa fondation. La présidence représente la Fédération auprès de la Confédération syndicale mondiale de l’enseignement (CSME) associée à la Confédération mondiale du travail (CMT). C’est le comité exécutif qui voit aux demandes de solidarité d’ici et d’ailleurs. | ||
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== La grève étudiante de 2012 == | == La grève étudiante de 2012 == | ||
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La grève étudiante de 2012 est la plus longue et la plus importante qu’ait connu le Québec depuis le premier mouvement de grève en 1958. Du 13 février au 7 septembre 2012, des dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants sont en grève dans presque tous les établissements d’enseignement supérieur. Le sommet de ce qui a été qualifié de «printemps érable» est atteint le 22 mars, alors que plus de 300 000 étudiantes et étudiants sont en grève et que près de 200 000 d’entre eux défilent dans les rues de Montréal. Les associations étudiantes protestent contre une hausse importante des frais de scolarité annoncée dans le budget de mars 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest, qui ferait passer les frais de scolarité de 2 168$ à 3 793$ en cinq ans. | La grève étudiante de 2012 est la plus longue et la plus importante qu’ait connu le Québec depuis le premier mouvement de grève en 1958. Du 13 février au 7 septembre 2012, des dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants sont en grève dans presque tous les établissements d’enseignement supérieur. Le sommet de ce qui a été qualifié de «printemps érable» est atteint le 22 mars, alors que plus de 300 000 étudiantes et étudiants sont en grève et que près de 200 000 d’entre eux défilent dans les rues de Montréal. Les associations étudiantes protestent contre une hausse importante des frais de scolarité annoncée dans le budget de mars 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest, qui ferait passer les frais de scolarité de 2 168$ à 3 793$ en cinq ans. | ||
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=== Un tournant: la judiciarisation du conflit === | === Un tournant: la judiciarisation du conflit === | ||
− | Le 30 mars 2012, une étudiante du Collège d’Alma s’adresse à la Cour supérieure pour demander une injonction du tribunal en vertu de son droit de poursuivre ses études et terminer sa scolarité dans les délais prévus<ref>''Déry'' c. ''Duchesne'', 30 mars 2012, 2012 QccS1563, décision du juge Jean Lemelin.</ref>. La FNEEQ dénonce immédiatement la décision du juge Lemelin, tout comme la judiciarisation du conflit<ref>«La FNEEQ dénonce la judiciarisation du débat» FNEEQ, [en ligne], 30 mars 2012, https://fneeq.qc.ca/fr/comm-001-163/</ref>. Le syndicat des professeurs et professeures s’inquiète quant à lui de l’impact de cette décision sur le climat au Collège. Le 3 avril, une seconde demande d’injonction est faite par un étudiant de l’Université Laval. C’est à ce moment que le terme de boycott apparait pour la première fois dans une décision, le juridique empruntant au politique un terme que le gouvernement avait commencé à utiliser<ref>''Morasse'' c. ''Université Laval'', 18 avril 2012, 2012QccS 1565</ref>. Les médias le reprendront de plus en plus, malgré le refus des associations étudiantes, des syndicats, de nombreux autres groupes, incluant des juristes<ref>Association des juristes progressistes, [en ligne], http://www.ajpquebec.org/la-greve-etudiante-nest-pas-un-simple-boycott-historique-et-perspectives/.</ref>. | + | Le 30 mars 2012, une étudiante du Collège d’Alma s’adresse à la Cour supérieure pour demander une injonction du tribunal en vertu de son droit de poursuivre ses études et terminer sa scolarité dans les délais prévus<ref>''Déry'' c. ''Duchesne'', 30 mars 2012, 2012 QccS1563, décision du juge Jean Lemelin.</ref>. La FNEEQ dénonce immédiatement la décision du juge Lemelin, tout comme la judiciarisation du conflit<ref>«La FNEEQ dénonce la judiciarisation du débat» FNEEQ, [en ligne], 30 mars 2012, https://fneeq.qc.ca/fr/comm-001-163/.</ref>. Le syndicat des professeurs et professeures s’inquiète quant à lui de l’impact de cette décision sur le climat au Collège. Le 3 avril, une seconde demande d’injonction est faite par un étudiant de l’Université Laval. C’est à ce moment que le terme de boycott apparait pour la première fois dans une décision, le juridique empruntant au politique un terme que le gouvernement avait commencé à utiliser<ref>''Morasse'' c. ''Université Laval'', 18 avril 2012, 2012QccS 1565</ref>. Les médias le reprendront de plus en plus, malgré le refus des associations étudiantes, des syndicats, de nombreux autres groupes, incluant des juristes<ref>Association des juristes progressistes, [en ligne], http://www.ajpquebec.org/la-greve-etudiante-nest-pas-un-simple-boycott-historique-et-perspectives/.</ref>. |
− | De la vingtaine de demandes d’injonctions déposées par des étudiantes et étudiants au mois d’avril, seule trois seront gagnées par les associations étudiantes, la plus marquante étant sans doute la décision du juge Marc-André Blanchard, qui reconnait la validité des arguments de l’association étudiante, allant même jusqu’à qualifier le droit à la liberté d’expression de « droit constitutionnel ou quasi-constitutionnel<ref>''Beausoleil'' c. ''Cégep régional de Lanaudière'', 23 avril 2012, 2012 QccS 1673, décision du juge Marc-André Blanchard. Le procureur de l’association étudiante est Jonathan Leblanc, conseiller syndical à la FNEEQ</ref>». Cette décision ne sera pourtant pas reprise, les autres juges se rangeant aux arguments du juge Lemelin, qui refuse de reconnaitre la légalité du droit de grève des étudiants. | + | De la vingtaine de demandes d’injonctions déposées par des étudiantes et étudiants au mois d’avril, seule trois seront gagnées par les associations étudiantes, la plus marquante étant sans doute la décision du juge Marc-André Blanchard, qui reconnait la validité des arguments de l’association étudiante, allant même jusqu’à qualifier le droit à la liberté d’expression de « droit constitutionnel ou quasi-constitutionnel<ref>''Beausoleil'' c. ''Cégep régional de Lanaudière'', 23 avril 2012, 2012 QccS 1673, décision du juge Marc-André Blanchard. Le procureur de l’association étudiante est Jonathan Leblanc, conseiller syndical à la FNEEQ.</ref>». Cette décision ne sera pourtant pas reprise, les autres juges se rangeant aux arguments du juge Lemelin, qui refuse de reconnaitre la légalité du droit de grève des étudiants. |
C’est toute la question des droits collectifs par rapport aux droits individuels qui se pose à travers ce changement de vocabulaire. Alors que, depuis les années 1960, on a toujours parlé de grève étudiante, on se met à utiliser le terme boycott, tant au plan politique que juridique<ref>En 2005, alors que le conflit entre les étudiants et le gouvernement portait sur le régime de prêts et bourses, on parlait de grève étudiante. L’utilisation du terme boycott est spécifique au conflit de 2012.</ref>. Par le fait même, on remet en question la légitimité des processus démocratiques des associations étudiantes, l’objectif étant évidemment d’opérer un changement dans les perceptions et de renvoyer la question d’assister ou non à ses cours à un simple choix individuel, les conséquences de ne pas y assister reposant alors sur l’étudiante ou étudiant. | C’est toute la question des droits collectifs par rapport aux droits individuels qui se pose à travers ce changement de vocabulaire. Alors que, depuis les années 1960, on a toujours parlé de grève étudiante, on se met à utiliser le terme boycott, tant au plan politique que juridique<ref>En 2005, alors que le conflit entre les étudiants et le gouvernement portait sur le régime de prêts et bourses, on parlait de grève étudiante. L’utilisation du terme boycott est spécifique au conflit de 2012.</ref>. Par le fait même, on remet en question la légitimité des processus démocratiques des associations étudiantes, l’objectif étant évidemment d’opérer un changement dans les perceptions et de renvoyer la question d’assister ou non à ses cours à un simple choix individuel, les conséquences de ne pas y assister reposant alors sur l’étudiante ou étudiant. | ||
− | Pourtant, en dépit des nombreuses injonctions, les étudiantes et étudiants tiennent bon et la mobilisation se poursuit. Au Collège de Valleyfield, la direction tente de forcer la reprise des cours, tentative qui se solde par un échec complet, des centaines d’étudiants s’étant déplacés sur les lieux tôt le matin pour bloquer les entrées | + | Pourtant, en dépit des nombreuses injonctions, les étudiantes et étudiants tiennent bon et la mobilisation se poursuit. Au Collège de Valleyfield, la direction tente de forcer la reprise des cours, tentative qui se solde par un échec complet, des centaines d’étudiants s’étant déplacés sur les lieux tôt le matin pour bloquer les entrées<ref>«Le collège de Valleyfield capitule devant les étudiants en grève», Radio-Canada, [en ligne], 12 avril 2012, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/557257/greve-boycott-etudiants.</ref>. Du côté des enseignantes et enseignants, le gouvernement semble tenir pour acquis qu’ils vont simplement retourner enseigner à partir du moment où une injonction est émise ou que la direction d’un établissement annonce la reprise des cours<ref>Émilie Bilodeau, «les enseignants invités à franchir les piquets de grève», La Presse, [en ligne], 18 février 2012 https://www.lapresse.ca/actualites/education/201202/17/01-4497345-les-enseignants-invites-a-franchir-les-piquets-de-greve.php.</ref>. La situation est pourtant loin d’être simple et soulève de nombreuses questions: comment donner ses cours dans le contexte où des étudiants font du piquetage et bloquent les entrées? Comment faire fi de la solidarité avec les étudiants? Comment franchir des piquets de grève en tant que syndicaliste? Enfin, question centrale s’il est en une: qu’en est-il de l’autonomie des enseignants? La FNEEQ et son président vont par ailleurs dénoncer la position du gouvernement et de certains collèges, en s’opposant fermement à briser la solidarité syndicale et en refusant que les professeurs soient mis devant des situations où leur santé et leur sécurité risquent d’être compromises<ref>«Communiqué du 16 avril 2012», FNEEQ, [en ligne], https://fneeq.qc.ca/fr/comm-004-440/.</ref>. Cette position est bien illustrée par l’attitude des professeurs du Collège de Valleyfield, qui refusent d’entrer dans l’établissement malgré l’annonce de la reprise des cours par la direction. |
− | Alors que les votes de grève sont reconduits dans les établissements et que le conflit se prolonge, on s’inquiète de plus en plus des modalités entourant le retour au travail. Chaque semaine, les conseillers de la FNEEQ font la tournée des assemblées des syndicats de professeurs pour leur présenter les hypothèses de reprise des cours dans le cas où les étudiants mettent fin à la grève. Tout est à refaire en prévision de la prochaine assemblée, le calendrier de retour en classe étant différent d’une semaine à l’autre. Depuis le début du conflit, la grève est le principal sujet des relations de travail. Les conseillers de la FNEEQ ont par ailleurs mis beaucoup de temps et d’énergie à aller plaider, en soutien aux associations étudiantes, les demandes d’injonctions déposées au mois d’avril | + | Alors que les votes de grève sont reconduits dans les établissements et que le conflit se prolonge, on s’inquiète de plus en plus des modalités entourant le retour au travail. Chaque semaine, les conseillers de la FNEEQ font la tournée des assemblées des syndicats de professeurs pour leur présenter les hypothèses de reprise des cours dans le cas où les étudiants mettent fin à la grève. Tout est à refaire en prévision de la prochaine assemblée, le calendrier de retour en classe étant différent d’une semaine à l’autre. Depuis le début du conflit, la grève est le principal sujet des relations de travail. Les conseillers de la FNEEQ ont par ailleurs mis beaucoup de temps et d’énergie à aller plaider, en soutien aux associations étudiantes, les demandes d’injonctions déposées au mois d’avril<ref>Une vingtaine de demandes d’injonction ont été déposées au mois d’avril.</ref>. L’adoption de la loi 12 (ou projet de loi 178) le 18 mai oblige le retour en classe et limite le droit de manifester. La réaction citoyenne sera forte, tout comme celle des étudiants et des centrales syndicales<ref>La grève étudiante de 2012 est la première grève qui fait l’objet d’une loi spéciale au Québec.</ref>. Devant ce mouvement de protestation populaire, «aucune contravention, aucune arrestation ni aucune amende n’a été émise en vertu de la loi 78», si l’on se fie au porte-parole de la CLASSE<ref>Gabriel Nadeau-Dubois, Tenir tête, Montréal, lux éditeur, 2013, p. 224.</ref>. |
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+ | Forcés de retourner en classe, les membres des syndicats vont voter des résolutions qui soulignent l’importance de leur droit de travailler dans des conditions de travail sécuritaires, propices à l’enseignement. Les salariées et salariés de la FNEEQ, quant à eux, s’affairent à négocier les protocoles de retour au travail. Deux ententes sont négociées dans les cégeps. Du côté des universités, les protocoles de retour au travail sont négociés établissement par établissement. | ||
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+ | === Conclusion === | ||
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+ | La grève étudiante de 2012 a marqué la FNEEQ à bien des égards. Non seulement la FNEEQ a-t-elle répondu présente à toutes les occasions pour appuyer publiquement les étudiantes et étudiants, mais il importe de souligner aussi l’implication de son équipe de salariés. Les conseillers et les employées de bureau ont participé aux grèves, aux mobilisations, à la défense des associations étudiantes lors des demandes d’injonction. Les enseignantes et enseignants ont quant à eux soutenu les étudiants dans leurs demandes, en émettant des communiqués, en participant aux actions et, surtout, en refusant de franchir les piquets de grève, certains allant même rejoindre la masse étudiante. Enfin, s’il y a un point positif à retenir de ce conflit, au-delà de la solidarité de la FNEEQ avec les étudiants, c’est le renouvellement des effectifs syndicaux par l’arrivée d’une nouvelle génération socialement impliquée, particulièrement dans le mouvement Profs contre la hausse<ref>Plus de 1 600 professeurs ont signé le manifeste des Profs contre la hausse publié dans les pages du journal Le Devoir le 12 mars 2012: https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/345039/nous-sommes-tous-etudiants-manifeste-des-professeurs-contre-la-hausse.</ref>. |
Version actuelle datée du 17 mai 2021 à 14:43
La FNEEQ est aujourd’hui une fédération en santé et ce n’est pas à grâce au gouvernement et aux administrations locales qui ont tout tenté, surtout depuis les années 1980, pour déstabiliser les organisations syndicales et démoraliser les enseignantes et les enseignants. L’organisation a tenu le coup dans la tempête, ses militantes et ses militants se sont retroussé les manches et ont trouvé les parades et les solutions.
De la résilience, la FNEEQ en a. Elle a connu plus que sa part d’attaques et d’incompréhension. La philosophie néolibérale qui a déferlé sur l’Occident dans les années 1980 n’a pas épargné le Québec et a charmé ses élites financières et ses gouvernements. L’éducation, comme d’autres secteurs sous responsabilité publique, en a largement fait les frais : compressions dans les budgets, précarisation de l’emploi, privatisation des programmes. La Fédération n’a pas cédé et a sans cesse défendu la cause de l’éducation accessible pour toutes et tous, partout sur le territoire.
La fédération
Les syndicats d’enseignantes et d’enseignants sont aux prises avec des administrations et des gouvernements qui rêvent d’entreprises privées et de contrôle. Ils agissent pour enlever tout moyen d’action aux syndicats. Leur gestion est de plus en plus opaque: insatisfaits des résultats obtenus à la régulière, ils utilisent les moyens de répression de l’État; lois spéciales, décrets. Les désaffiliations de 1989 ainsi que l’assurance avec laquelle ils imposent ou tentent d’imposer de nouvelles règles: tout semble concourir à une démobilisation syndicale ou tout au moins à un affaiblissement.
Ce n’est pas le cas. Malgré les embuches et les discours creux, les syndicats et la Fédération s’organisent, s’adaptent aux nouvelles réalités et acceptent la lutte, mais sur un terrain syndical. L’organisation évolue et leurs revendications sont porteuses: ils vont se battre pour le respect et la reconnaissance de leur rôle dans l’enseignement et dans la société. À la FNEEQ, le deuxième front n’est jamais loin.
Les attaques au système d’éducation se multiplient et depuis longtemps. La qualité de l’enseignement et la reconnaissance de la profession sont sous une menace constante. La FNEEQ se bat sur les deux fronts. Que le gouvernement soit libéral ou péquiste, elle dénonce la politique de l’État.
[…] il faut insister sur l’interminable succession de compressions budgétaires imposées par les gouvernements libéral et péquiste au cours des dernières années qui a attaqué durement le monde de l’éducation. Chaque regroupement de la FNEEQ en a subi les contrecoups: coupures dans les services directs aux étudiants dans les cégeps et les universités, abolition de charges de cours et de cours dans les universités, pertes d’emplois et fermetures de collèges au secteur privé. La FNEEQ a, maintes fois, dénoncé l’obsession gouvernementale d’atteindre le déficit zéro, elle s’est prononcée contre les politiques d’austérité et le démantèlement des services publics[1].
La Fédération dénonce aussi une forme de répression qui se manifeste de manière insidieuse au-delà des mesures d’austérité par la judiciarisation des relations de travail, mais aussi de la contestation sociale: règlements municipaux pour limiter la liberté d’expression, recours au devoir de loyauté pour museler les travailleuses et les travailleurs, dont les enseignantes et les enseignants.
À la FNEEQ les exemples sont éloquents : la suspension du président du Syndicat des enseignantes et des enseignants du cégep Lévis Lauzon pour son travail syndical, la suspension des deux enseignants du cégep d’Alma pour leurs propos concernant leurs inquiétudes sur le climat de travail, l’escalade de la répression à l’UQAM engendrée par l’attitude de l’administration ou la requête du CPNC [Comité patronal de négociation des collèges] auprès de la Commission des relations du travail qui a mené aux remontrances et aux mesures disciplinaires contre plusieurs de nos camarades pour leur participation à la grève sociale du 1er mai[2].
Une belle victoire cependant: à la même époque, l’École de musique Sainte-Croix, propriété des sœurs de Sainte-Croix et opérant à l’intérieur du Cégep de Saint-Laurent, menace de fermer. Il y a 55 enseignantes et enseignants impliqués, surtout des femmes. L’école veut passer au secteur public. Si on applique strictement les règles d’intégration du collégial public, seulement une quinzaine de professeures et de professeurs peuvent sauver leur emploi, ce qui signifie la fin de l’École telle qu’elle est. La négociation se poursuit pendant cinq mois et les 55 emplois sont finalement sauvés. Une belle bataille de la Fédération.
Enfin, la Fédération de enseignants de cégep FEC) et la Fédération autonome du collégial (FAC) discutent de la possibilité de fusionner[3].
Affaiblie par les départs en 1989 alors qu’elle se retrouve avec 17 000 membres et 54 syndicats, la Fédération se refait graduellement une santé et aujourd’hui, 30 ans plus tard, elle fédère plus de 34 000 membres et 100 syndicats.
L’enseignement en 1995 n’est pas présenté comme une profession d’avenir. On vante l’importance de l’éducation, mais on dénigre les personnes qui la dispensent quotidiennement. Les gains réalisés en négociation sont continuellement remis en cause, que ce soit l’autonomie pédagogique, la lutte à la précarité, la réduction de la tâche ou les salaires.
Ronald Cameron, qui arrive au comité exécutif en 2000, voit ainsi la situation: «La FNEEQ doit rompre avec le traumatisme de 1989 et réaffirmer son autonomie. Nous sommes une fédération autonome et solidaire de l’ensemble de la classe ouvrière. Sur la planète entière, il y a très peu de fédérations d’enseignants affiliées à une centrale ouvrière, c’est surtout très rare dans l’enseignement supérieur. Or cette appartenance est dans l’acte de naissance de la FNEEQ: autonomie et solidarité. La création de la FAC a forcé la FNEEQ à réfléchir à nouveau sur sa place dans une centrale ouvrière. Et elle a réaffirmé son acte de naissance. La CSN a joué un rôle majeur dans l’évolution du syndicalisme enseignant; elle a toujours résisté aux attaques gouvernementales contre les services publics[4].»
Les états généraux de L’éducation et le sommet socio-économique
En 1995, le gouvernement convoque les États généraux de l’éducation. Les relations des syndicats avec le gouvernement péquiste ne sont pas très bonnes. L’austérité et son pendant, le déficit zéro, font mal. Le discours du gouvernement est axé sur la réussite et la performance, du préscolaire à l’université, mais en réalité sa préoccupation principale est de diminuer les couts du système, d’en arriver au déficit zéro.
Malgré toutes leur réticence, les syndicats de la FNEEQ y participent. Ils sont méfiants, mais ne peuvent rester à l’écart. Ils revendiquent depuis longtemps une discussion de fond sur l’éducation au Québec et toutes les tribunes doivent être utilisées. Durant ces États généraux, la Fédération maintient la nécessité d’investir en éducation:
Nos choix syndicaux pour l’éducation passent plutôt par l’articulation d’un financement adéquat avec l’ensemble des besoins de formation. Ils passent par le développement d’une politique nationale de l’éducation qui touche tous les ordres d’enseignement, intégrant l’harmonisation et le principe de formation continue. Ils nécessitent de tisser des liens opérationnels avec les milieux de travail en matière de formation professionnelle et technique. Ils passent surtout par la valorisation de la profession enseignante et la participation réelle des enseignantes et enseignants aux mécanismes de décision touchant l’éducation[5].
L’impact réel de ces États généraux est plus médiatique que pratique. Ils servent à préparer le secteur de l’éducation au Sommet socio-économique qui suit et qui doit définir les limites du cadre budgétaire que le gouvernement veut respecter. C’est le déficit zéro, de nouvelles compressions, des mises à la retraite anticipée et plus de privatisation de services publics.
La FNEEQ et la CSN ont une autre vision. Les difficultés économiques devraient plutôt être l’occasion d’une réorganisation du travail, une occasion d’introduire les personnels dans les processus de décision, autant dans les établissements d’enseignement que dans les entreprises. Une telle lutte serait favorable aux travailleuses et travailleurs précaires, dont les chargées et chargés de cours à l’université.
Il est évident que pour les chargé-es de cours comme pour d’autres personnes à statut précaire dans la société, la perspective d’une réorganisation du travail apparaît comme une ouverture vers quelque chose de mieux dans un monde du travail par ailleurs fermé[6][…].
Les universités sont sous la loupe du gouvernement. Répondent-elles aux besoins de la société (comprendre des entreprises) ? Le système d’enseignement au Québec a atteint un niveau de performance reconnu. Les cégeps y sont pour beaucoup et la formation technique y a grandement contribué. Elle s'attribue une des missions traditionnelles de l’université, celle de former des travailleuses et des travailleurs de haut niveau.
Dans un contexte de remise en cause de l’université, les attentes sont grandes pour la reconnaissance des chargées et chargés de cours. Ils se sont mis en évidence lors des États généraux et ont vigoureusement plaidé leur cause. Certes les conditions de travail s’améliorent continuellement, mais il y a toujours un hic : quelle est leur place dans l’université ? Cette quête devient leur dossier principal.
Pierre Patry est de retour sur le comité exécutif de la Fédération en 1995 et confirme son avancée: « Les [chargées et chargés] de cours, soutenus par la Fédération, ont profité des États généraux pour défendre leur position d’une meilleure intégration au sein de l’université. Les professeurs sont reconnus, ont leur place dans la structure alors que les [chargées et chargés] de cours ne se retrouvent nulle part; comme s’ils ne font que donner leurs cours et retourner chez eux[7]».
La ministre Marois rend publique sa politique de l’éducation au début de 1997, sous l’intitulé Prendre le virage du succès. Elle annonce alors « d’importants bouleversements dans les façons de faire, une nouvelle répartition des pouvoirs et une modification de nos habitudes[8]». On serait porté à rectifier ainsi: «que du nouveau pour le système d’éducation!»
Peut-on mettre en place une nouvelle réforme tout en imposant des compressions budgétaires et des coupures? Oui, si la réforme se limite à comprimer et à réduire encore. La Fédération, en tout cas, ne voit pas trop comment le gouvernement pourra réussir.
De 1994 à 1999, les universités se sont vu amputer de 450 millions de dollars et les cégeps de 250 millions, ce qui constitue environ 25 % des budgets de ces établissements. Les établissements d’enseignement privé subissaient des compressions équivalentes à celles effectuées dans le secteur public. Les coupures en éducation ont été, toute proportion gardée, plus importantes que celles effectuées dans la santé. Alors que les dépenses en éducation représentaient 24 % du budget du Québec, les compressions en éducation ont représenté 29% du total des coupures[9].
La ministre Marois cherche à briser le tronc commun de formation et favorise un enseignement technique « allégé » qui réponde plus directement aux besoins des entreprises. La FNEEQ défend un enseignement collégial de qualité égale partout, comme le voulait le rapport Parent il y a plus de 40 ans.
La force des programmes techniques, leur reconnaissance par les employeurs, leur attrait auprès des jeunes tiennent à la qualité d’une formation générale et polyvalente qui associe un fond culturel commun à un champ de spécialisation assurant une réelle insertion professionnelle. C’est là le véritable défi de l’arrimage de la formation générale et de la formation technique[10].
Le regroupement cégep s’engage à fond dans la campagne visant à contrer une décentralisation majeure des responsabilités de l’enseignement collégial, qui mettrait en péril l’avenir du réseau. Il s’engage de plain-pied dans la bataille contre l’habilitation des collèges à décerner le diplôme d’études collégiales (DEC).
Le regroupement cégep s’engage à fond dans la campagne visant à contrer une décentralisation majeure des responsabilités de l’enseignement collégial, qui mettrait en péril l’avenir du réseau. Il s’engage de plain-pied dans la bataille contre l’habilitation des collèges à décerner le diplôme d’études collégiales (DEC).
En 1999, la question du classement de l’enseignement collégial revient sur la table: dans un mémoire sur la formation du personnel enseignant au collégial, la Fédération affirme à nouveau que les enseignantes et les enseignants du collégial constituent une catégorie distincte de celle du personnel enseignant du primaire et du secondaire et affirme qu’ils font partie de l’enseignement supérieur.
Sur le plan de l’organisation, au lendemain de la négociation de 2000 et au regard des résultats, la FNEEQ relance la FAC et l’invite à débattre de l’unité des forces syndicales. La FAC refuse parce que la FNEEQ est membre d’une centrale syndicale. Mais de l’aveu même de la FAC, cette question d’unité provoque de nombreux débats dans ses instances.
La loi 111 jugée inconstitutionnelle
En décembre 2000, les trois juges de la Cour d’appel, le plus haut tribunal du Québec, déclarent à l’unanimité la loi 111 inconstitutionnelle:
Les salarié-es ayant déposé des griefs concernant les pertes subies en vertu de cette loi pourront donc réclamer les pertes encourues avec intérêt. Adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en février 1983, la Loi 111 visait à assurer la reprise des services dans les collèges et écoles du secteur public. La loi mettait fin aux grèves et obligeait les salarié-es à travailler selon les conditions prescrites par les Lois 70 et 105. Ces dernières, promulguées en juin 1982, déterminaient les conditions de travail et de rémunération des enseignantes et enseignants du secteur public du 1erjanvier 1983 au 31 décembre 1985. Près de 30000 plaintes pénales avaient été déposées par le gouvernement, mais la Cour suprême du Canada déclarait lesdites lois inconstitutionnelles en février 1990.
L’inconstitutionnalité de la Loi 111 signifie l’acquittement de quelque 8000 membres de la FNEEQ et évite à la FNEEQ et à la CSN de payer des amendes qui auraient pu varier de 1,5 million à 14 millions de dollars[11].
L’internationale de l’éducation
La FNEEQ adhère à l’Internationale de l’Éducation (IE)[12] en 2000. Elle s’implique au comité éducation supérieure, où elle est un incontournable, selon Laval Rioux[13]. Elle s’était déjà engagée au Congrès de 1997 à développer des axes d’intervention à l’international, dont une affiliation à la Confédération des éducateurs américains (CEA). La FNEEQ participe de manière assidue aux instances de ces organisations, congrès, colloques, actions.
La présence de la Fédération à l’IE l’a mise en lien avec les syndicats canadiens et américains. Ils sont jaloux des conditions de travail que les chargées et chargés de cours québécois ont obtenues.
En 2001, autour du Sommet des Amériques qui se tient à Québec en avril, la FNEEQ réunit plus de 300 personnes dans un colloque sur l’éducation et la mondialisation[14].
Les effets de la mondialisation sur l’éducation sont peut-être moins apparents que dans d’autres secteurs d’activités, mais ils sont tout aussi pernicieux et dommageables pour l’ensemble de la population. L’éducation est essentielle au développement de la démocratie, il importe de contrer le principal danger qui la guette, soit une vision utilitariste qui compromet l’objectif de formation de citoyennes et de citoyens libres et actifs[15].
Carmen Quintana
La solidarité internationale fait partie de l’ADN du mouvement syndical. Denis Choinière nous raconte un moment émouvant vécu lors d’un conseil de la Fédération des affaires sociales, aujourd’hui FSSS-CSN, au début des années 2000, où il accompagne Carmen Quintana. Pour mémoire, en 1986, au Chili, cette étudiante de 18 ans manifeste dans un quartier populaire contre le régime Pinochet en compagnie d’un ami photographe, Rodrigo Rojas, 19 ans, de retour d’exil des États-Unis et ayant vécu quatre ans au Québec. Durant la manifestation, ils sont pris à partie par une patrouille militaire, aspergés d’essence et brulés vifs puis laissés pour morts dans un champ. Des paysans les trouvent et les transportent à l’hôpital. Le photographe décède alors que Carmen survit avec des brulures au troisième degré sur plus de 60 % du corps. Elle sera soignée à Montréal : « La FAS manquait de temps à l’horaire et se montrait réticente à ce que Quintana s’adresse au conseil sur une question de privilège. Nous avons insisté et on nous a finalement alloué quatre minutes. Après 15 ou 20 minutes, Quintana parlait toujours, la traduction simultanée avait cessé, c’était en espagnol seulement, les gens écoutaient comme jamais même si la plupart ne comprenaient pas ce qu’elle disait, plusieurs pleuraient. On a fait une collecte et on a récolté près de 50000 $ d’un coup. Pour moi, ce fut un moment de solidarité exceptionnel[16].» Des années plus tard, en 2019, un juge chilien condamne six militaires pour ces actes atroces.
Le réseau collégial à nouveau menacé
Dès juin 2003, le nouveau gouvernement libéral annonce son intention de procéder rapidement à la réorganisation, la réingénierie, de l’État québécois. Axée principalement sur une remise en question du rôle de l’État et des services publics et de fortes réductions d’impôts, cette réorganisation ne peut qu’entrainer une remise en question du système éducatif. Dans la mire du gouvernement se trouve le réseau collégial. La Fédération des commissions scolaires du Québec propose même d’abolir le réseau collégial et de partager sa dépouille avec l’université. Dès lors, la FNEEQ annonce qu’elle sera de tous les rendez-vous pour défendre le réseau.
Cette suggestion d’abolition allait très loin, probablement beaucoup plus que ce que le ministre de l’Éducation d’alors, Pierre Reid, avait en tête. Les universités, au début plus ou moins réceptives à l’idée, allaient au bout de quelques mois commencer à y trouver un intérêt. Le ministre quant à lui n’a rien fait pour calmer le jeu, lorsqu’il a annoncé qu’au Forum sur l’avenir de l’enseignement collégial, tenu au printemps 2004, tout serait sur la table.
La Coalition-cégeps, mise sur pied en octobre 2003, regroupe les associations étudiantes, les parents et l’ensemble des personnels à l’œuvre quotidiennement dans les cégeps. Elle réaffirme que le réseau collégial tel qu’il a été créé favorise l’accessibilité aux études supérieures : le cégep est un acquis pour tous les jeunes et tous les adultes partout au Québec. La création des cégeps a permis le développement d’une société plus démocratique, plus ouverte sur le monde et mieux adaptée aux changements en cours.
Arrive le forum, voulu par le ministre Reid, sur l’avenir des cégeps. Surprise : les enseignantes et les enseignants ne sont pas invités. Le forum sera l’affaire des directions et des conseils d’administration. On reste entre gens bien. La Coalition et le regroupement cégep organisent la riposte, investissent le Forum par toutes les ouvertures possibles et tiennent un contre-forum sur les Plaines d’Abraham, où 2000 personnes se questionnent sur le bienfondé des réformes envisagées.
Ce branlebas semble fonctionner. Les orientations ministérielles promises pour la fin de l’été 2004 n’arrivent qu’en début 2005. Le loup est devenu agneau : il laisse intactes les fondations du réseau collégial et reconnait l’importance de la formation générale pour tous.
Mais l’hydre néolibérale a la vie dure. En 2006, les Lucides font surface. Ils revendiquent moins d’intervention de l’État, une plus grande présence du secteur privé, plus de productivité et un système d’éducation au service de l’entreprise. Selon eux, on travaille mieux et plus au privé. La FNEEQ n’a pas l’intention de rester les bras croisés devant ces pyromanes qui tentent de mettre le feu aux services publics. La Coalition-cégeps se réunit à Québec à la fin de novembre et fait le point sur le sous-financement du réseau collégial:
Les investissements dans les cégeps, annoncés en décembre dernier par le gouvernement du Québec, étaient de l’ordre de 20 millions de dollars par année. Cela ne représente que 25% des nouvelles sommes consenties en enseignement supérieur, alors que la dépense courante de l’État pour les cégeps représente 40% de l’ensemble des dépenses pour le même secteur. Par ailleurs, nous sommes bien loin des 300 millions de dollars estimés par la Fédération des cégeps pour retrouver le niveau de financement du milieu des années 90, et encore plus loin de ce qui serait nécessaire pour permettre au réseau un développement répondant aux défis du nouveau siècle[17]!
Un dossier sur la table depuis longtemps trouve un dénouement en 2006: les syndicats de la fonction publique et parapublique et le gouvernement s’entendent sur l’équité salariale. Plus de 30000 travailleuses sont concernées, un règlement estimé à plus de 700 millions de dollars.
Le défi des Petits marchés
Un des acquis de la révolution tranquille et du rapport parent est sans aucun doute l’accessibilité à l’éducation supérieure partout au Québec. Il faut se rappeler la situation antérieure, où cette accessibilité était très limitée, davantage encore pour les gens vivant en région.
Au tournant des années 2000, le gouvernement modifie le mode de financement du réseau collégial, fixé désormais selon le nombre d’étudiantes et d’étudiants inscrits. Moins de personnes inscrites signifie moins d’argent, moins de programmes offerts, moins de personnel enseignant, moins de cours, moins d’attraction. Daniel Mary, enseignant au cégep de Saint-Félicien, en a vécu les conséquences: «cela a affecté tout de suite les petits cégeps, particulièrement ceux dans les régions en baisse démographique. certains ont dû fermer des programmes d’étude. la question est devenue comment survivre. Le nombre d’étudiantes et d’étudiants régionaux diminuant, les conditions de travail du personnel, moins nombreux, se sont détériorées et il y a eu une augmentation de la tâche pour les enseignantes et enseignants restants. Cela affecte aussi la région. Un programme d’étude qui ferme est une perte d’expertise technique, sociale et humaine pour la région. Une perte de personnes compétentes et actives, qui vont souvent aller chercher un emploi ailleurs[18].» Les établissements ont développé différentes stratégies pour pallier à la situation: développement de programmes pointus pour attirer des étudiantes et étudiants d’autres régions et recrutement de clientèle étrangère. Plusieurs établissements ne survivent que grâce à leur créativité à trouver des solutions.
La situation est la même chose pour les universités. Traditionnellement, elles se retrouvent dans les grands centres. Avec le réseau de l’UQ, elles sont arrivées en régions et ont favorisé une accessibilité à des étudiantes et des étudiants qui seraient partis étudier ailleurs. Défavorisées par les règles de financement, les universités régionales font de plus en plus appel à la clientèle internationale ou à la délocalisation. L'UQAC a maintenant un pavillon à Montréal. À quand un volet de financement qui maintiendrait le rôle des universités en région?
Implosion de la fac
Les syndicats qui ont quitté la Fédération en 1989 pour créer la FAC y reviennent graduellement. Les premiers à bouger sont les enseignantes et les enseignants du collège de Valleyfield, qui choisissent en mars 2006 de revenir à la FNEEQ. Caroline Senneville est secrétaire générale de la Fédération à ce moment-là: «La création de la FAC, je ne l’ai pas vécue, mais sa mort, oui. Le retour de Valleyfield fut un grand moment. L’accueil au conseil fédéral restera mémorable. Ce fut un moment emballant, historique. Il est rare qu’un groupe qui quitte une organisation y revienne, même si les personnes ont changé[19].»
En 2008, un deuxième verrou saute. Les enseignantes et les enseignants du Cégep Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, choisissent la FNEEQ-CSN dans une proportion de 72% au détriment de la FEC-CSQ. En 2009, lorsque les enseignantes et les enseignants du Collège Dawson choisissent à leur tour la FNEEQ, ils signent en quelque sorte l’arrêt de mort de la FAC. Elle annonce sa dissolution à l’été 2009, mais auparavant deux autres syndicats l’auront quittée, ceux du Collège Vanier et du Centre d’études collégiales Baie-des-Chaleurs en Gaspésie. Les 12 syndicats qui restent choisissent leur nouvelle affiliation. Au total, 11 syndicats choisissent la FNEEQ et six la FEC-CSQ. Le seul syndicat du collégial privé membre de la FAC, celui du campus Notre-Dame-de-Foy, choisit aussi la FNEEQ.
L’arrivée massive de ces nouveaux syndicats rend nécessaire la tenue d’un Congrès spécial, qui a lieu à Montréal en novembre 2009. La FNEEQ représente dorénavant 46 des 59 syndicats de cégep et 84% des enseignantes et enseignants du collégial. Déjà une force majeure chez les chargées et chargés de cours universitaires et dans le domaine de l’enseignement privé, la Fédération est devenue la fédération de l’enseignement collégial. Jean Trudelle, président de la FNEEQ en 2009, est un artisan majeur du retour de ces syndicats dans le giron de la CSN.
En 2012, le comité de direction de la Fédération passe à cinq membres alors que trois postes de vice-présidence sont ajoutés pour chacun des regroupements.
Grève étudiante
La grève étudiante de 2012 suscite un mouvement de contestation sans précédent. Les personnels des établissements touchés respectent en général les lignes de piquetage dressées par les étudiantes et les étudiants. Le pouvoir tente la répression à plusieurs moments, sans trop de succès. Police dans la rue, loi spéciale exigeant le retour des personnels au travail, escouade antiémeute à l’Université de Montréal, poursuites des «carrés verts» contre les actions des «carrés rouges», tout est tenté sans que la situation ne bascule. Dans l’étrange position dans laquelle se trouvent les enseignantes et les enseignants des établissements touchés, la CSN et son fonds de défense professionnelle appuient la FNEEQ et ses syndicats.
Sommet sur l’enseignement supérieur
Après la crise étudiante, le Parti québécois est de nouveau aux commandes. Il convoque en 2013 le Sommet sur l’enseignement supérieur, qui regroupe cette fois des représentants de l’enseignement supérieur et de la société civile. La Fédération défend l’accessibilité à l’enseignement supérieur et s’oppose à sa marchandisation. Elle y amène deux revendications claires: une reconnaissance du rôle des chargées et chargés de cours à l’université et celle de l’enseignement collégial comme partie intégrante et essentielle de l’enseignement supérieur[20]. L’exercice satisfait les chargées et chargés de cours, qui trouvent à ce Sommet une visibilité qu’ils n’ont pas au sein de l’université, où ils sont exclus des décisions, des orientations et de la planification. La restructuration salariale des enseignantes et des enseignants de cégep continue d’avancer.
En 2014, le Parti libéral revient au pouvoir à la faveur de nouvelles élections. Sourd et aveugle, il remet de l’avant sa réingénierie et la destruction des programmes et des services publics.
Ces politiques s’inscrivent directement dans cette mouvance idéologique mondiale de la nouvelle gestion publique (NGP) qui vise essentiellement à appliquer à l’État les logiques du marché. Les secteurs de la santé et des services sociaux et de l’éducation sont devenus des exemples éloquents des résultats de l’application de cette orientation idéologique. Privatisation, sous-traitance, dérèglementation, concurrence, tarification, fusions, antisyndicalisme, hiérarchie, assurance qualité, centralisation de l’organisation du travail; voici les visages de la (NGP)[21].
Les états généraux de l’enseignement supérieur
Comme s’il n’a rien retenu de l’effervescence de 2012, le gouvernement Couillard fait face en 2015 à une mobilisation croissante contre ses mesures d’austérité et à des grèves en 2016 dans le cadre des négociations du secteur public. Le Sommet sur l’enseignement supérieur de 2013 a laissé tout le monde sur sa faim, ce qui incite la FNEEQ, sous la pression de son conseil, à mettre de l’avant la tenue d’États généraux de l’enseignement supérieur (ÉGES). La Fédération s’y attaque et implique un collectif regroupant les principaux acteurs des cégeps et des universités. Leur but: dégager une vision commune de l’enseignement supérieur et tisser des liens.
Le premier rendez-vous se tient en 2017 à l’Université Laval. Plus de 500 personnes y participent sous le thème «L’enseignement supérieur: un droit collectif, un service public». C’est un succès. Trois enjeux ressortent : le financement, la gouvernance et la précarité. Les échanges se continuent dans des rencontres régionales à l’hiver et au printemps 2018, qui permettent une mobilisation plus large et une meilleure connaissance de la réalité quotidienne dans les cégeps et les universités partout au Québec.
Un deuxième rendez-vous des ÉGES se tient à Montréal en mai 2018. Tous les partenaires du milieu y sont. Les trois thèmes issus des premiers ÉGES, financement, administration et précarité, alimentent les débats. Sous la plume de Marie-Hélène Alarie, la présidente Caroline Quesnel explique dans le quotidien Le Devoir:
Le financement est toujours au cœur des revendications des partenaires du collectif, et de la FNEEQ en particulier. «On le sait, le réinvestissement consenti par le gouvernement lors du dernier budget n’est pas à la hauteur, ce n’est même pas un rattrapage par rapport à ce qu’on avait il y a cinq ou six ans. Cette perte est très dangereuse puisqu’elle amène les administrations d’université ou de cégep à se considérer comme des entités qui doivent générer des revenus. On entre alors dans une logique où l’enseignement est perçu comme une marchandise», déplore Caroline Quesnel.[…]
La gouvernance, la gestion et la transparence sont d’autres éléments déterminants du projet. «C’est la revendication de tous les acteurs du milieu : avoir son mot à dire, que ce soit dans les CA, dans les conseils d’études ou dans le processus de réflexion, dit la présidente. C’est l’inclusion et la transparence qu’on réclame.»
Le troisième thème discuté regroupe les précarités, et on a bien insisté sur le pluriel de ce thème, explique Caroline Quesnel. «On considère ici non seulement les conditions de travail du personnel, mais aussi les conditions d’études des étudiants, puisqu’eux aussi ont à conjuguer plusieurs rôles.» Ces conditions ont un impact direct sur la santé psychologique, et particulièrement sur celle des étudiants puisqu’ils subissent une immense pression qui affecte leur santé. C’est une pression semblable qui est présente partout dans le monde de l’enseignement, où par définition l’enseignant est soumis à un stress constant[22].»
La judiciarisation des relations de travail
La judiciarisation occupe une place toujours grandissante dans les relations de travail pour la Fédération et les syndicats.
Cette judiciarisation entraine des coûts faramineux tant pour les établissements où œuvrent nos membres que pour la fédération. Une simple demande d’un document se retrouve, le plus souvent, devant la Commission d’accès à l’information du Québec. Des violations flagrantes de nos contrats de travail aboutissent devant l’arbitre de grief. Bien qu’un très grand nombre de décisions arbitrales nous soit favorable, rares sont celles qui ne seront pas contestées par la partie patronale devant les tribunaux supérieurs. Ces deux situations, pour ne nommer que celles-là, entrainent obligatoirement un référé du dossier au service juridique de la CSN et impliquent pour l’organisation des frais que nous ne pouvons contrôler. Il faut se rappeler que l’équipe avait, dans ce contexte, émis le souhait de réduire le nombre de dossier transmis à des procureurs du service juridique de la CSN. Bien qu’un travail colossal ait été fait et qu’une très grande majorité de dossiers aient été assumés à l’interne, les frais juridiques sont demeurés très élevés, et ce, précisément par le nombre grandissant d’audiences devant les tribunaux supérieurs[23].
Dans les cégeps
Les syndicats de cégep ont souvent fait face à des lois spéciales. Retrouver le droit de négocier est la priorité, mais la restructuration salariale est toujours à l’avant-plan ainsi que la vulnérabilité des cégeps en région qui prend de plus en plus d’importance. La question qui va rapidement s’imposer cependant est celle de l’existence même du réseau des cégeps. La mobilisation pour sa défense a refait l’unité de la Fédération. L’attaque sur les cégeps a réuni contre un ennemi commun ceux qui s’opposaient hier encore au sein de la Fédération. Et la CSN a répondu présente.
Pierre Reid, ministre de l’Éducation, suggère en 2004 l’abolition des cégeps. La CSN organise une vaste mobilisation nationale et plusieurs mobilisations régionales. Une grosse manifestation a lieu sur les Plaines le 9 juin.
Le conseiller syndical Guy Beaulieu a vécu cette période difficile: «On craint vraiment la fin des cégeps, la menace est réelle. Dans les négociations, la FNEEQ est toujours la dernière à régler et ce n’est pas un hasard : l’employeur veut notre peau. Mais la FSSS a toujours pris soin d’inclure les cégeps dans le règlement. Grâce à la force de la CSN dans le secteur public, la FSSS pouvait dire à la table : on ne règle pas si la FNEEQ ne règle pas[24].»
La menace sur les cégeps s’éloigne un temps. L’employeur possède d’autres moyens et le regroupement, une force nouvelle:
Le coup de force du gouvernement Charest, en décembre dernier [le décret de 2005], a été vécu comme une insulte législative, une marque de mépris pour les employé-es des services publics en général et, peut-on ajouter, pour les enseignantes et enseignants de cégep en particulier. L’arsenal répressif de la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public est tel qu’il va nécessairement bouleverser, pour un temps du moins, la pratique de nos actions syndicales.
Mais ce qui importe […] c’est de constater que, fort d’une cohésion nouvelle, le regroupement et les assemblées syndicales se sont tenues debout, tout au long de ces mois passés à défendre les cégeps, la formation générale, la nécessité d’un réseau et la survie des cégeps en région, de même qu’à dénoncer la lourdeur de la tâche et le sort fait aux enseignantes et aux enseignants à statut précaire[25].
En 2012, l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ) demande que le baccalauréat devienne le diplôme d’entrée dans la profession infirmière. Elle remet ainsi en question la valeur qualifiante du DEC en sciences infirmières. La FNEEQ s’oppose et prépare la réaction. Le ministre de la Santé et des Services sociaux annonce en ouverture du Congrès de l’OIIQ qu’il met sur pied un comité interministériel sur la formation de la relève infirmière. La FNEEQ est exclue du comité, mais y fait des représentations. Le comité remet un rapport où il n’y a pas consensus. La revendication de l’OIIQ tombe à plat.
En 2016, le gouvernement remet l’enseignement supérieur sur la sellette. Il consulte sur un projet de création de deux conseils ainsi que d’une commission mixte, de même qu’il propose des suggestions de modifications au Règlement sur le régime des études collégiales (RREC).
Le regroupement cégep s’est penché sur ces projets et s’est prononcé sur le contenu des mémoires présenté par la CSN conjointement avec la FNEEQ, la FEESP et la FP. La facture du projet ministériel a particulièrement agacé les déléguées et les délégués du regroupement qui ont décrié l’omniprésence du vocabulaire de la performance qu’on retrouve tout au long du document à travers les notions d’assurance qualité, d’amélioration continue et de recherche des meilleures pratiques. Si le regroupement cégep se montre, malgré tout, favorable à la création d’un lieu permettant davantage de collaboration et de cohésion entre les établissements tant collégiaux qu’universitaires, ce n’est toutefois pas dans la perspective d’inféoder l’enseignement supérieur à une conception marchande et managériale de l’éducation[26].
La mobilisation sur le thème «Un DEC, c’est un DEC, partout au Québec!» porte ses fruits et le ministère ne retient pas plusieurs éléments soumis à la consultation concernant la création d’un conseil des collèges et les modifications au RREC proposées à l’automne 2016.
Un portrait des cégeps en 2015
Selon la Fédération des cégeps, le nombre d’étudiantes et d’étudiants inscrits au cégep public cette année [2015] est stable par rapport à l’année dernière. Ils seront 178 131 étudiants, en majorité des filles (57,7%), répartis dans les 48 établissements du Québec, parmi lesquels 78 785 nouveaux venus.
La population étudiante sera en nette hausse à Laval, qui accueillera 377 étudiants de plus (+5,2%) à la rentrée. Les effectifs seront en augmentation plus modérée dans les cégeps de la Côte-Nord (+2,4%), de la Montérégie (+2%) et de l’Outaouais (+1%).
Elle sera en nette baisse en revanche au Saguenay–Lac-Saint-Jean, avec 434 étudiants en moins par rapport à la rentrée 2014 (5,2%), en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine (4,5%), en Abitibi-Témiscamingue (4,4%), en Mauricie (2,3%), dans le Centre-du-Québec (2,1%), en Estrie (1,5%) et à Québec (1%).
Partout ailleurs, à Montréal, dans les Laurentides, dans Lanaudière, dans la région de Chaudière-Appalaches et au Bas-Saint-Laurent, les chiffres sont quasi stables. Cette stabilité vient contredire les prévisions ministérielles.
Les cégépiens sont inscrits à parts égales dans le secteur technique (46,9 %) et le secteur préuniversitaire (46,5%), contre 6,6% au tremplin [sic] Dec. Les programmes soins infirmiers (11 121 étudiantes et étudiants) et gestion de commerces (5146) sont les plus fréquentés dans le secteur technique, tandis que les sciences humaines (43 654) et les sciences de la nature (21 792) sont les programmes les plus populaires du préuniversitaire[27].
Nous nous étions, entre autres, fortement opposés à la décentralisation vers les collèges de l’élaboration de deux des compétences des programmes d’études et aux modifications visant à accroître l’autonomie des collèges relativement à la gestion des programmes d’études. Nous devons toutefois rester vigilants puisque la fédération des cégeps s’est dit insatisfaite. Elle pourrait être à l’offensive, car elle voyait là une solution au délai trop long de révision et de mise à jour des programmes d’études[28].
Dans les universités
En 1995, le rôle principal du regroupement université demeure la concertation lors des négociations et la coordination dans l’application des conventions collectives, mais la précarité du statut des chargées et chargés de cours est toujours au centre des discussions, d’autant plus que les universités rencontrent des problèmes de financement.
La part du financement gouvernemental dans les universités a chuté de 25% dans les trois dernières années et on prévoit de nouvelles compressions budgétaires pour les deux années à venir. Cela exige des établissements universitaires des efforts de rationalisation qui touchent aussi bien les structures administratives et académiques que les programmes. On réduit la taille des administrations, on regroupe des unités académiques et des services, on ferme des programmes.
Cette situation financière précaire fait également pression sur les conditions salariales des personnes chargées de cours de sorte que des syndicats ont dû faire des concessions à cet égard et renoncer à une progression salariale normale lors de la dernière ronde de négociations[29].
Les chargées et chargés de cours, malgré des gains en négociation, demeurent insatisfaits de leur place dans l’université. Ils veulent améliorer leur statut et multiplient les efforts pour faire reculer la marginalité à laquelle ils sont confinés. Plusieurs syndicats ont fait des gains qui les mènent sur la bonne voie, notamment au niveau de la participation institutionnelle et de la réalisation de projets d’intégration pédagogique. Mais une question demeure et les chargées et chargés de cours la posent:
Sommes-nous tous et toutes condamnés, nonobstant notre statut d’emploi, à limiter notre prestation de travail dans le strict cadre d’un court mandat à durée déterminée ? Pouvons-nous envisager une importante modification de l’ampleur de notre tâche, notamment au chapitre d’une contribution accrue de l’encadrement étudiant?
Il est certain que des milliers de chargé-es de cours, parmi les plus précaires, aspirent à un régime d’emploi, où l’obligation de compléter leur maigre revenu annuel au moyen de prestations de chômage ne sera plus qu’un mauvais souvenir[30].
La situation évolue à l’aube des années 2000. Les chargées et chargés de cours donnent en moyenne 50 % des cours de premier cycle dans l’ensemble des établissements universitaires québécois. Les syndicats du regroupement revendiquent l’équité salariale avec les professeurs réguliers pour une prestation de cours. Le regroupement s’appuie sur une étude de l’Institut de la statistique du Québec de 2009 sur l’écart entre la rémunération de ses membres et celle des professeurs. Les gains sont appréciables.
L’effet des réductions dans les subventions aux universités se fait sentir dans la décennie suivante. Les universités revoient leurs priorités et diminuent l’offre de cours, ce qui affecte particulièrement les enseignantes et les enseignants à statut précaire. Les administrations sont en demande.
Le regroupement université a travaillé à consolider sa négociation regroupée et à accroître son rapport de force collectif.
Cet effort de cohésion a été confronté à des attaques d’une grande violence, sans compter la série de compressions survenues dans le secteur de l’éducation depuis 2014. Alors que la quasi-totalité des syndicats du regroupement université est en négociation, ces luttes, même si elles ont mené à plusieurs gains, ont été difficiles dans un tel contexte. Les impacts néfastes des compressions sauvages dans le financement des universités ont d’ailleurs laissé des traces profondes, peut-être indélébiles.
En effet, il faut s’indigner devant la disparition de nombreux cours, programmes, voire même de facultés, car ceux-ci ne reverront sans doute jamais le jour. On a même entendu un vice-recteur parler de ne conserver que les programmes « rentables». On assiste présentement à l’élagage de l’échantillon des cours offerts, à l’amincissement du savoir disponible et donc à la disparition de tout un pan des connaissances. Ainsi, non seulement, le parcours étudiant passe de plus en plus obligatoirement par des cours à distance, il s’effectue maintenant dans des classes de plus en plus bondées, face à une offre de cours déficiente et à des coûts toujours plus élevés[31].
Grands dossiers du regroupement
Plusieurs universités explorent le modèle d’affaires à la mode, la formation à distance. Elles cherchent ainsi à combler les pertes de financement en exportant l’expertise que les enseignantes et les enseignants ont développée.
Il faut donc réfléchir ensemble sur le droit d’auteur, les droits de suite, la rémunération, le nombre d’étudiants, bref sur plusieurs enjeux. L’objectif est de pouvoir ainsi mieux baliser nos conventions collectives[32].
La transformation de la gouvernance des universités depuis au moins le milieu des années 1990, qui est passée de collégiale à managériale, préoccupe les chargées et chargés de cours. Cette approche managériale issue du monde des affaires n’est pas étrangère aux difficultés vécues dans les relations de travail et à la présence accrue d’avocats aux tables de négociations. La situation est complexe et exige de tenir compte de multiples facteurs.
L’augmentation des dépenses liées aux frais juridiques et aux arbitrages est incontestable. Toutefois, la réflexion doit dépasser largement celle de l’argent. La défense de nos droits est et doit demeurer prioritaire. Mais, on ne peut dénoncer une telle situation sans réfléchir à notre participation à la judiciarisation. Cela dit, comment faire en sorte de rétablir des relations de travail saines au sein des universités tout en défendant nos droits[33]?
La privatisation inquiète également. La situation vécue par le Syndicat des tuteurs et tutrices de la Télé-université (STTTU) fait craindre une dégradation des conditions de travail. Une université publique, l'Université TÉLUQ, crée un statut d’enseignant encore plus précaire que celui des chargées et chargés de cours en sous-traitant à l’entreprise privée l’encadrement des étudiantes et des étudiants.
Il en résulte une grève des tuteurs et tutrices de plus de six mois qui est résolue sur la base des recommandations d’un conciliateur. Les emplois des tuteurs et tutrices sont protégés.
Dans le privé
Le regroupement privé a connu une forte croissance dans les années 2000. Alors que le nombre de syndicats plafonne toujours autour de la vingtaine jusque-là, voilà que le regroupement compte maintenant plus de 42 syndicats. La position clarifiée de la Fédération sur l’école privée y est certainement pour beaucoup. Ce qui caractérise surtout ce regroupement et qui le distingue des deux autres, c’est la grande variété des établissements qui le compose, allant du préscolaire à l’universitaire en passant par tous les ordres: primaire, secondaire et collégial[34]. Coordonner les négociations et l’application des conventions collectives dans un tel contexte relève de l’exploit. D’autant plus que les conditions de l’exercice syndical varient énormément d’un établissement à l’autre, mais présentent une caractéristique commune: la pratique de l’action syndicale y est difficile et beaucoup de syndicats ne participent pas ou peu aux activités de la Fédération. La coordination et la concertation entre syndicats en souffrent. La situation change au début des années 2000.
Question d’illustrer l’exercice du syndicalisme dans un établissement privé, la présidente Caroline Quesnel, enseignante au collège Jean-de-Brébeuf, nous raconte: «J’enseigne au collégial, où les enseignantes et les enseignants sont regroupés dans le Syndicat des professeurs de l’enseignement universitaire du Collège Jean-de-Brébeuf, un des plus vieux syndicats de la FNEEQ, qui a fêté ses 50 ans en 2015. J’ai participé à la négociation locale en 2005. C’est la première négociation à Brébeuf avec un conseiller venu de la Fédération. La première fois aussi que notre syndicat obtient des libérations pour toutes les activités syndicales. Un fait exceptionnel pour le privé[35].»
En 2005, la Fédération précise sa position sur l’existence des établissements privés, qui réconcilie son engagement en faveur d’un réseau d’éducation public de qualité pour toutes et tous ainsi que la protection des emplois des personnels du secteur privé[36].
Jean Trudelle participe à ces discussions : « La position de la Fédération sur le privé est courageuse. Quel que soit le lieu de l’enseignement, chacun a droit à de bonnes conditions de travail. Nous nous sommes aussi opposés à ce moment-là [à] la ségrégation scolaire, qui existe aussi dans le public. Notre position a amené beaucoup de syndicats du privé à la FNEEQ[37].»
Jean Pouliot, du Collège de Lévis, identifie deux grands moments qui ont favorisé l’acceptation du privé à la FNEEQ: «En juin 2008, lors du conseil fédéral, les syndicats du privé font accepter que le financement du privé ne puisse ni être diminué ni aboli. Le débat a eu lieu. Il est toujours facile d’avoir les [chargées et chargés] de cours de notre côté. Ils connaissent la précarité. Même chose pour les cégeps en région, qui comprennent nos problèmes. Leur situation est aussi précaire. Mais c’est plus difficile de s’entendre avec les gros cégeps. Ils nous ont finalement donné leur appui[38].»
L’existence des établissements privés reste un sujet sensible, souvent remis en discussion. Des positions contradictoires s’affrontent. Ont-ils droit à un financement public? Le gouvernement Marois de 2012-2013 remet en cause ce financement des établissements privés.
En 2012, lors du Congrès de la FNEEQ à Shawinigan, la question revient sur la table. Jean Pouliot explique: «Les syndicats du privé sont bien préparés. La position défendue: on ne diminue pas nos subventions, et on prône l’intégration dans le secteur public s’il y a fermeture d’une école privée. Nous voulons éviter la situation vécue par notre collège en 2000, alors que le Cégep Lévis-Lauzon a refusé de nous intégrer. On a encore gagné notre point. La vieille mentalité sur l’abolition du privé a été battue et la Fédération a réitéré sa position sur la préservation de l’emploi. Nous avons aussi expliqué que la vision que le privé recrute par sélection n’est plus valable, la plupart des collèges ne font plus de sélection. Nous avons la même clientèle que l’école publique. La position des établissements privés a changé comme les écoles ont aussi changé. Ce n’est plus l’élite qu’on recrute, et aujourd’hui les élèves sont libres d’y venir sans sélection. La CSQ continuant de revendiquer l’abolition du privé, la Fédération recrute de nouveaux syndicats[39].»
Le premier mandat de Caroline Senneville est marqué par une vague de syndicalisation. Une douzaine de syndicats s’ajoutent. Caroline Quesnel indique: «Ce n’est peut-être pas anodin. Cela correspond à la période des coupes gouvernementales dans l’éducation et particulièrement dans l’école privée, ce qui a amené une détérioration des conditions de travail. Cela a suscité cet élan de syndicalisation[40].»
Le contexte de baisse démographique et de compressions budgétaires au MELS et au MESRS a grandement fragilisé le réseau des écoles privées depuis quelques années. Les fermetures successives de trois de nos établissements ont constitué des événements tristement marquants de ce mandat. L’échec de la conversion du Collège Antoine-Girouard au réseau public a profondément ébranlé les membres du regroupement qui ont exprimé le désir de mettre à jour la position de la FNEEQ sur les établissements privés afin qu’elle reflète la réalité et qu’elle défende mieux les emplois de ses membres[41].
Confronté par la fragilité du système privé d’éducation, le regroupement demande en effet en 2018 une modification de la position de la FNEEQ sur l’enseignement privé.
À la lumière de l’échec récent de l’intégration du Collège Antoine-Girouard à la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe, les membres du privé considèrent que la position fédérale accuse un décalage par rapport à la réalité et qu’elle devrait se porter plus concrètement à la défense des emplois dans les collèges privés. Par conséquent, le regroupement privé a constitué un comité de réflexion pour proposer des idées de renouvellement de la position de la FNEEQ sur le privé[42].
Il ne manquera jamais de défis à relever pour le regroupement privé. Le premier: favoriser la participation des membres du regroupement privé aux activités de la Fédération. Déjà la participation étant meilleure au regroupement, il reste aux syndicats à être plus présents aux activités de la Fédération, surtout aux conseils et aux congrès. La question des libérations syndicales est à résoudre. D’un point de vue professionnel, l’état de la situation demande une attention particulière.
L’autonomie professionnelle et la valorisation de la profession enseignante sont de plus en plus mises à mal. Dans leur quotidien, les enseignants du privé observent qu’ils ont moins de latitude pour exercer leur travail. L’ingérence des parents et des directions dans la gestion de la classe, dans les évaluations et dans leur jugement professionnel, discréditent la compétence des enseignants et rendent leur travail de plus en plus difficile[43].
Et signe d’une évolution positive, le regroupement monte en 2016 un projet pilote de négociation coordonnée, selon le modèle de celui de l’université. Quatre syndicats en négociation dans les deux prochaines années participent au projet, deux conseillers y sont attachés. De même, les syndicats du collégial privé vont se rapprocher de ceux du collégial public, puisque leur sort y est lié.
Les négociations
En ce début de période, les parties patronales des trois secteurs, université, privé et cégep, remettent en question les acquis des conventions collectives. Elles sont bien appuyées par le discours public, tout axé sur le déficit zéro et les générations futures, comme si l’éducation ne concernait pas les « générations futures». Les cégeps sont en négociation permanente et mobilisent beaucoup d’énergie à la Fédération. Les syndicats des universités ne sont pas de reste. Ils viennent tous de renouveler leur convention collective. Dans les établissements privés, où la négociation est locale, sans trop de ligne directrice, plusieurs ententes sont conclues. Contrairement à l’université et au cégep, le secteur privé est si diversifié qu’une concertation poussée semble impossible. Ce qui n’empêche pas le patron d’un collège privé d’avouer que ce sont les syndicats de la FNEEQ qui ont conservé les meilleures conventions collectives dans le privé[44].
Au cégep
Au regroupement cégep, les négociations occupent pratiquement tout l’espace. La préparation, les consultations, puis les négociations peuvent souvent durer plus de deux ans, que le résultat soit une convention signée ou un décret. Puis, tout est à recommencer pour la suivante.
La négociation de 1995
La négociation de 1995 se déroule en même temps que le référendum de 1995: toute l’animosité est concentrée vis-à-vis le gouvernement péquiste. On se demande: «Fait-on la grève pendant la période référendaire?». La chape de plomb du Parti québécois (PQ) telle que ressentie à la CSN est importante. Une situation qui rappelle le référendum de 1980 et qui fait craindre une répétition des lois spéciales qui ont suivi.
L’automne 1995 a été une période particulièrement intense au chapitre de la négociation. Celle-ci, amorcée depuis quelques mois déjà, s’est intensifiée en aout, septembre et octobre pour en arriver à une entente de principe à la fin d’octobre 1995. Compte tenu de l’imminence du référendum sur la souveraineté du Québec, le gouvernement souhaitait arriver à un règlement avec les composantes du secteur public avant le 30 octobre 1995, ce qui a donné lieu à un blitz de négociation[45].
L’entente est obtenue juste avant le référendum et comporte des gains, principalement pour les enseignantes et les enseignants à statut précaire. La demande patronale comporte la suppression de poste de 1200 enseignantes et enseignants ETC (équivalent temps complet) alors que le regroupement cégep s’en sort avec 144 et une heure d’encadrement gratuite. La convention n’est signée qu’en avril 1996.
Cette entente, bien qu’elle comportait [sic] des concessions au chapitre des ressources — 144 ETC pris dans les fonctions dites périphériques — apportait une amélioration significative aux conditions de travail des enseignantes et enseignants à statut précaire et des bonifications au chapitre des salaires et de la retraite. Par ailleurs, l’introduction d’une mesure visant à améliorer le taux de réussite des élèves — l’heure d’encadrement — a permis d’empêcher une diminution accrue des ressources, telle que le souhaitait la partie patronale obsédée par la réduction immédiate des coûts, ce qui a constitué l’originalité de l’entente FNEEQ (CSN) en regard des deux autres fédérations d’enseignantes et d’enseignants de cégep [NDLR: FEC et FAC] qui ont dû endosser à 100 % les objectifs patronaux[46].
Le référendum de 1995 passé, le mouvement syndical se trouve confronté par le gouvernement Bouchard à un vaste programme d’austérité. Le PQ se lance alors dans la lutte au déficit public. À l’automne 1996, il convoque un Sommet sur l’économie et l’emploi pour discuter de l’avenir social et économique du Québec. Syndicats, patrons et groupes communautaires s’y retrouvent pour discuter de compressions de plus de 3 milliards de dollars dans le budget de l’État dans le but de rééquilibrer le budget à l’aube de l’an 2000. Un autre sommet est convoqué en octobre 1996 pour discuter d’emploi. Le gouvernement «propose» une réduction des dépenses de l’État de 6%, que chaque partenaire doit appliquer à son niveau. Cela inclut les établissements publics, les collèges privés et les universités.
Les départs volontaires, nombreux, une réduction du temps de travail et une ponction dans les surplus du régime de retraite ne sont pas suffisants. Il exige une ouverture des conventions au chapitre de la tâche et du plancher d’emploi. C’est rejeté. En mars, le couperet tombe. L’Assemblée nationale vote la loi 104.
La FNEEQ est la seule organisation à refuser de signer la reddition. Elle se retrouve aussi la seule visée par la loi. Les autres groupes du secteur public signent à la dernière minute. La FAC et la FEC acceptent des concessions salariales et ouvrent sur la tâche. La loi 104 vise les trois regroupements. Des moments difficiles pour la FNEEQ, dont tous les syndicats se retrouvent ainsi sous le coup de la loi.
Les syndicats [de cégep] décidèrent alors d’intensifier la grève du zèle et de mandater leurs représentantes et représentants afin qu’ils cherchent à conclure une entente comportant, en sus des économies réalisées par les départs à la retraite, des concessions salariales, et ce, afin d’éviter une hausse de tâche et les pertes d’emploi massives que cela aurait occasionnées. Des démarches ont alors été entreprises et, finalement, une entente conforme à ces objectifs est intervenue au début d’avril, laquelle fut adoptée par les assemblées. Une telle entente qui préserve l’emploi n’a été possible qu’au prix d’une réduction salariale de 3,57% accordée sous forme de congés compensatoires sans traitement. […] plusieurs dossiers, dont la reconnaissance des heures pour l’assurance emploi, la réduction et l’aménagement du temps de travail, la reconnaissance des années d’enseignement effectuées dans les écoles d’infirmières aux fins de la retraite et la mise en application du mandat concernant l’heure d’encadrement, ont été réglés dans la foulée de cette entente[47].
Dès qu’est connue la décision gouvernementale d’inclure le privé et les universités dans la loi 104, FNEEQ et CSN interpellent le gouvernement et entreprennent de les exclure de la loi.
Au sujet des universités, nous avons dû rappeler au gouvernement qu’au cours des dernières années, celui-ci avait coupé de 25% son aide au milieu universitaire. Les fluctuations à la baisse du financement des universités avaient d’ailleurs produit des effets sans précédent: alourdissement de la tâche d’enseignement, diminution significative de la masse salariale des chargé-es de cours, diminution importante du nombre de charges de cours, etc. Pourtant les chargé-es de cours ont toujours constitué une mesure d’économie pour les universités québécoises. En effet, ils donnent à peu près 50% de l’enseignement pour le cinquième des coûts relatifs à l’enseignement universitaire!
En ce qui a trait aux établissements d’enseignement privé agréés aux fins de subventions, l’aide gouvernementale au financement a également été réduite de 15 % au cours des trois dernières années. Tout comme leurs camarades des universités, les enseignantes et enseignants du secteur privé ont fait largement leur part pour répondre aux diminutions récurrentes des subventions. Ces diminutions se sont notamment traduites par un alourdissement de la tâche d’enseignement et, pour certains, par des diminutions de salaire[48].
En avril, le gouvernement renonce à appliquer sa médecine à ces deux groupes. Le privé a livré une bataille exemplaire menée par Denise Trudeau et Pierre Lachance: mobilisations importantes, retenue des notes. Cette dernière action a particulièrement l’heur de déplaire à la Fédération des cégeps. Pour répondre à la réduction des couts de 3,57 % imposée par la loi 104, la FNEEQ donne comme mot d’ordre de retenir les notes pendant 3,57 jours. Le mot d’ordre est appliqué dans 21 des 34 établissements syndiqués à la Fédération.
Le tout se règle avant le Congrès de 1997. Tout le monde sort de la loi 104.
Une particularité lors de cette négociation, la présence d’une femme au comité de négociation avec une préoccupation féministe. Flavie Achard accepte ce rôle : « On avait aussi développé l’idée de la présence d’une femme, la négociatrice, [au] comité de négo. J’ai joué ce rôle en 1995, avec l’appui du réseau femmes. Me retrouver à ce poste en tant que femme n’a pas été facile, l’opposition a été rude. Après un premier vote négatif au regroupement, j’ai eu ma nomination à la réunion suivante[49].
Une session femmes négo-cégep se tient en mars 1998 afin d’élaborer les demandes en matière de harcèlement sexuel, de droits parentaux et d’accès à l’égalité.
Le Regroupement cégep n’a pas retenu la structure particulière qui sous-tendait la négociation des dossiers femmes et, conséquemment, a mis fin à la désignation d’une négociatrice recevant ses mandats du Comité femmes ou des sessions femmes[50].
La négociation de 1999
Après 18 mois de négociation, les centrales syndicales s’entendent juste avant Noël avec les représentants du gouvernement du Québec sur le renouvellement des conventions collectives du secteur public. La nouvelle convention, qui s’étendra jusqu’au 30 juin 2002, prévoit des augmentations de 9% sur trois ans pour les 400 000 personnes employées syndiquées du secteur public.
Une autre négociation difficile où les trois fédérations du collégial, FNEEQ, FAC et FEC, ne peuvent s’entendre sur un cadre stratégique malgré de nombreuses rencontres. Pierre Patry est alors président de la Fédération: «Le règlement est arrivé juste avant Noël, comme c’est souvent le cas. Après des années de lois spéciales, la négociation de 1999 en fut une vraie, la première depuis 1989. Nous avons fait des gains sur le plancher d’emploi et la diminution de salaire de 3,57% a presque été effacée. On retrouvait le droit de négocier[51].»
Ronald Cameron se souvient d’avoir été actif dans l’acceptation de cette réduction de 3,57%: «J’avais mis tout mon poids pour la reconnaissance de la précarité et l’acceptation de cette coupure temporaire plutôt que de s’en prendre aux précaires. Tout le monde n’était pas d’accord, mais ce fut un élément majeur dans la reconstruction de la FNEEQ. Le règlement de 1999, tout en ne laissant pas tomber les précaires, a fait beaucoup pour compléter le travail de reconstruction[52].»
La négociation de 2002
Sans conteste, le succès le plus important de cette négociation est l’entente sur la structure salariale, l’aboutissement pour la FNEEQ d’une longue lutte, de recherches et de discussions qui ont mené à une conclusion logique: les enseignantes et enseignants de cégep font bel et bien partie de l’enseignement supérieur.
Lors de cette négociation de 2002, les trois fédérations du collégial, FNEEQ, FAC et FEC, préparent un projet commun de négociation. Trois thèmes sont retenus: le financement, la tâche et la formation continue. Le projet avorte une fois de plus, la FEC et la FAC mettent fin aux travaux communs et rompent l’alliance pour des raisons distinctes.
Les négociateurs gouvernementaux proposent une prolongation d’un an de la convention de 1999. La FEC accepte cette prolongation et classe la négociation entreprise sur la structure salariale comme partie de la discussion sur l’équité salariale. Ce qui est un pieux mensonge, car les enseignantes et enseignants de cégep n’ont pas vraiment de comparatif. La FAC, de son côté, se prononce contre la prolongation et dit ne pas avoir d’opinion arrêtée sur la structure salariale. La FNEEQ refuse cette prolongation. La raison majeure de ce refus est que la tâche a augmenté de façon telle qu’il devient difficile de cautionner le prolongement de l’application des conditions de travail. La revendication de la FNEEQ est un allègement de 10% de la tâche. La FNEEQ se voit alors offrir une négociation sur la structure salariale, rendue nécessaire par l’acceptation par la CSQ de l’échelle unique du primaire au collégial.
La reconnaissance par le Conseil du trésor des services professionnels rendus par les enseignantes et les enseignants du collégial ouvre la porte à une entente. Les négociations s’accélèrent en décembre et l’accord survient en janvier, alors que les diplômes de maitrise et de doctorat sont reconnus au collégial pour fin de rémunération. La FNEEQ est la seule fédération syndicale à avoir exigé ce statut.
[…] au lendemain de la prolongation et en pleine consultation sur les demandes sectorielles, et tout en poursuivant la bataille sur l’habilitation, nous avons développé une véritable stratégie de mobilisation, adaptée aux circonstances. Ça nous a permis de nous positionner auprès du Conseil du trésor pour faire valoir ce que nous avions toujours défendu depuis plusieurs années. L’enseignement collégial appartient à l’enseignement supérieur et la profession enseignante doit être reconnue à ce titre[53].
La restructuration salariale
En 2002, la CSQ règle sur la question de l’échelle unique. Si la FNEEQ n’arrive pas à une entente différente sur la question, à peu près la moitié des enseignantes et les enseignants de cégep vont gagner moins que celles et ceux du primaire et secondaire. D’où la nécessité d’un échelon supplémentaire pour un diplôme de maitrise.
La Fédération a donc travaillé sur deux choses: d’abord elle maintient que les enseignantes et les enseignants de cégep constituent une catégorie d’emplois distincte qui doit avoir une structure salariale qui lui est propre. De plus, dans la loi même sur l’équité salariale, il est dit qu’on peut justifier des différences salariales sur la base de la diplomation. Le regroupement introduit donc la maitrise dans l’équation. À l’époque, 35% des enseignantes et enseignants au collégial avaient une maitrise, contre 5% ou 6% au secondaire. Cette question de la scolarité fait pencher la balance du côté de la FNEEQ, qui obtient cette reconnaissance des cégeps comme partie de l’enseignement supérieur.
On pouvait justifier notre différence par notre scolarité. Nous avons demandé l’introduction d’un échelon particulier pour la maîtrise. On a réglé avec Marcel Gilbert au Conseil du trésor. Nous avons alors obtenu la reconnaissance que l’enseignement collégial était du domaine de l’enseignement supérieur. D’une importance majeure, car cela ouvrait la porte à une révision plus profonde de la structure professionnelle des profs du collégial.
Pierre Patry est alors président de la FNEEQ: «On n’a pas fait dans la facilité. Nous défendions le principe que personne ne devait perdre de salaire, mais une catégorie de membres n’en gagnait pas avec ce règlement. La FNEEQ a proposé de devancer les augmentations de salaire pour contrer cette conséquence. Le négociateur du Conseil du trésor a répondu que notre demande équivalait au cout de l’introduction de la maitrise dans la structure salariale. La FNEEQ a refusé ce troc. Tout le monde aurait gagné, individuellement, mais on n’aurait pas fait reconnaitre les enseignantes et enseignants de cégep comme une catégorie distincte des profs du primaire [et du] secondaire et on n’aurait probablement pas obtenu le rangement 23 en 2019. Le vote sur la restructuration salariale qui a suivi a été très disputé. Lorsque nous sommes entrés en instance, notre position était perdante, mais a finalement prévalu à plus de deux tiers des votes[54].»
La négociation de 2005
Il est assez courant lorsque commencent les négociations du secteur public que le gouvernement fasse tout à coup le constat que les finances publiques sont au plus mal. Cela ne diffère pas cette fois encore. La négociation de 2005 se déroule sous le signe de la contrainte. Le gouvernement Charest continue d’imposer ses politiques néolibérales et veut une entente à ses conditions, brandissant la menace d’un décret. Tout semble écrit d’avance. Les négociateurs patronaux veulent amener les syndicats à accepter des clauses de convention sur lesquelles il n’y a même pas eu de négociation. Tout le processus d’ailleurs est un excellent exemple de non-négociation planifiée.
En juin 2004, le gouvernement dépose ses offres et met dans le même cadre financier l’équité et les augmentations salariales pour l’ensemble de son personnel, incluant même le traitement des médecins et des députés, soit une augmentation de 12,6% sur six ans et neuf mois. Le front commun syndical travaille pour un règlement à l’automne 2005. La cohésion syndicale ne dure pas: la CSQ quitte le bateau pour s’allier au Secrétariat intersyndical des services publics à la recherche d’un règlement au printemps 2005. C’est un échec.
Auparavant, en octobre 2004, la FNEEQ lance une invitation pour une alliance sectorielle avec la FAC et la FEC (CSQ). Elle apprend en novembre la formation d’un cartel FAC-FEC (CSQ) constitué à son insu.
Ronald Cameron, président de la Fédération, commente cette alliance dans la revue de la Fédération:
La constitution de ce cartel n’est pas surprenante. Depuis sa fondation, la FAC a toujours privilégié les relations avec la FEC-CSQ plutôt qu’avec la FNEEQ. Créée à la suite du départ de syndicats de la FNEEQ, il est plus facile pour elle de se tourner vers la FEC-CSQ que de revenir vers la FNEEQ. Représentant au total le tiers du personnel enseignant des cégeps, ces deux groupes cherchent de toute évidence à constituer ainsi un pôle alternatif à la FNEEQ. Or la relation entre la FAC et la FEC-CSQ s’est renforcée d’autant plus que la FAC avait écarté une proposition d’alliance avec la FNEEQ sur une nouvelle structure salariale pour le personnel enseignant de cégep, consentie par le Conseil du trésor en décembre 2002. Nous revenons sur cet épisode dans le numéro spécial du bulletin INFO NÉGO sur la négociation dans les cégeps[55].
Pour faire pression sur le gouvernement, des mouvements de grève sont organisés, comme celle du 25 avril dans les cégeps et les quatre journées de grève votées par la CSN et la FTQ à exercer de façon rotative par région à l’automne. Ce vote de grève reçoit l’appui de 97% des membres de la FNEEQ. Une première à la Fédération. Trois vagues de débrayage se succèdent en novembre et décembre. Si la mobilisation n’a pas donné les résultats escomptés au national, elle donne de l’élan au niveau local.
Le Front commun syndical soumet une contre-proposition salariale à l’automne 2005.
À la mi-décembre, le gouvernement donne 18 heures aux parties syndicales pour accepter les offres sinon il y aura décret. Il y a décret. Les conventions sont renouvelées jusqu’en mars 2010.
[…] ce décret constitue un coup de force pour réduire la place des services publics au Québec et un élément stratégique majeur pour renforcer le plan de «réingénierie» du gouvernement Charest. C’est une pièce maîtresse de sa politique générale, qui vient compléter ce qui a été entrepris dans différents secteurs, entre autres par le projet de partenariats privé-public (PPP)[56].
Le gouvernement offre aux parties syndicales de signer la nouvelle convention. La FAC et la FEC le font, ce que la FNEEQ refuse. Le résultat des négociations de 2005 est décevant. Les syndicats du regroupement sont mobilisés, font la grève, mais à la fin le gouvernement décrète. Une constatation: d’un décret à l’autre, le pouvoir d’achat des enseignantes et des enseignants diminue, leur tâche s’alourdit et ils se trouvent continuellement sous la menace de voir le réseau démantelé et leur mode de négociation autant à la table centrale qu’à la table sectorielle disparaitre.
Qu’en sera-t-il de la négociation de 2010?
La négociation de 2010
Le front commun du secteur public de 2010 réunit 475 000 syndiquées et syndiqués, le plus grand nombre à ce jour pour une négociation au Québec.
Une fois n'est pas coutume; la négociation de 2010 est rapide. Le dépôt se fait le 30 octobre 2009, la signature, le 24 juin 2010. Jean Trudelle est président de la Fédération lors de cette négociation: «Entre 2005-2010, un comité conjoint syndical patronal réalise une étude sur la condition enseignante, à laquelle participe une équipe syndicale très solide. Lorsque les négociations de 2010 arrivent, la partie patronale sait très bien que nous allons revendiquer sur la tâche, puisque l'étude conjointe identifie le problème.[57]» La FNEEQ dresse le portrait:
La nécessité de réinvestir dans les services publics n’est pas à démontrer. Les pénuries de main-d’œuvre qui se font durement sentir, dans les services de santé et dans l’éducation, sont directement à mettre en lien avec des conditions de travail qui se sont dégradées. Dans le réseau des cégeps, on relève partout des difficultés de recrutement d’enseignantes et d’enseignants, et ce, dans toutes les disciplines. Le nombre de départs à la retraite n’explique pas le phénomène, bien plus lié à la lourdeur de la tâche et au retard important de la rémunération par rapport à des emplois comparables[58].
Le regroupement demande un ajout de 1200 nouvelles enseignantes et nouveaux enseignants (calculés en équivalents temps complet ou ETC). Ce sont finalement 403 postes qui s'ajouteront sur une période de cinq ans, un gain important compte tenu des reculs subis dans le passé. L’entente est signée le 13 juin.
Localement, il semble y avoir concertation entre beaucoup de directions pour remettre en cause la représentativité syndicale, particulièrement sur les questions touchant la pédagogie. La convention est claire: les enseignantes et les enseignants siégeant aux divers comités sont nommés par l’assemblée syndicale.
La négociation de 2015
La négociation de 2015 s'est distinguée par l'obtention du rangement 23 pour les enseignantes et les enseignants du réseau collégial, un gain de dernière seconde. Le gouvernement a d’abord tenté un rangement 21. Alors que l’entente est sur la table, que la fin approchait, le négociateur syndical, Norman Thibault, un conseiller de la FNEEQ, a suspendu l'entente pour régler une fois pour toutes la question du rangement 23, un dossier en marche depuis 2002. Un coup d'éclat réussi.
Une surprise dans cette négociation: la FEC et la FNEEQ créent l'Alliance des syndicats des professeures et des professeurs de cégep (ASPPC). Pour la première fois, les enseignantes et les enseignants de cégep vont négocier d'une seule voix. Un protocole conclu en automne 2014 prévoit un mode de fonctionnement basé sur le consensus, un cahier commun de demandes, un seul comité de négociation et une instance commune regroupant les représentantes et les représentants des syndicats de la FNEEQ et de la FEC-CSQ.
Tant à la table centrale qu'à la table sectorielle, des ententes de principe sont conclues en décembre 2015. La rédaction de la convention s'est poursuivie jusqu'en juin 2016.
Et le futur?
Il reste de nombreux défis à relever, mais surtout le défi de la consolidation du réseau: diminuer la précarité et travailler à l’intégration de la formation continue au secteur régulier, consolider la place des cégeps en région, renforcer l’autonomie professionnelle et la culture de la collégialité, assurer le respect de notre vision humaniste dans la transformation du réseau, limiter et baliser le développement des partenariats et du téléenseignement et revendiquer des moyens et des ressources qui tiennent compte de la diversité grandissante de la population étudiante[59][…]
À l'université
À l'université la situation est ambivalente. En même temps que la concertation entre les syndicats évolue et se peaufine, que les conventions s'améliorent, la situation économique et les coupes dans les budgets mettent de la pression sur les administrations. Les chargées et chargés de cours, le les salariés les plus précaires du milieu universitaire, sont les plus touchés.
Les années 1995-2005 verront la négociation regroupée prendre vraiment son envol. De 1995 à 1997, l'ensemble des syndicats du regroupement université sont en négociation. Les premiers règlements entre les personnes chargées de cours et les administrations interviennent à l'Université du Québec à Hull (UQAH), qui devient l'UQO en 2002 (Université du Québec en Outaouais) et à Concordia, suivis de l'UQAM. À l'Université de Montréal, une entente est signée en novembre 1996, après des négociations ardues et un vote de grève.
Les syndicats de l'Université du Québec à Rimouski, à Chicoutimi et en Abitibi-Témiscamingue de même que celui de l'ÉTS et des maîtres de langues de Laval finalisent leurs négociations au printemps 1997. Les règlements à l'Université Laval et à l'Université McGill ferment le cycle.
Le processus de négociation regroupée mis en place pendant ces négociations comporte deux objectifs: 1) favoriser des échanges rapides d'information entre les syndicats et la coordination du regroupement pour enrichir les négociations de chacun et 2) élaborer un tronc commun de discours sur les différents sujets de négociation pour avoir plus d'impact sur la place publique et dans les négociations locales[60]. Il sert à la fois à la négociation et à la concertation, sur la loi 104 par exemple.
En 1997, lorsque le gouvernement Bouchard adopte sa loi 104 sur la diminution des coûts de main-d'œuvre dans le secteur public – qui ne s'adresse qu'à la FNEEQ finalement –, on constate avec étonnement qu'elle s'applique aussi à l'université et au privé alors que le gouvernement n'a rien à voir avec la négociation dans ces deux secteurs. La CSN et la FNEEQ réagissent et le gouvernement recule, excluant les deux secteurs de la loi après quelques mois d'hésitation.
Les Chargées et Chargés de cours sont Là pour rester sur le plan syndical, la désormais fameuse bataille du rattrapage salarial avec les professeurs d'université a donné lieu à une première série de gains salariaux importants mais aussi à un élargissement des démarches d'intégration pédagogique et politique des chargées et chargés de cours. mais le principal fait saillant de ce cycle de négociations est sans contredit l'acceptation consensuelle, 25 ans après la création du premier syndicat de chargés de cours, de la thèse fondatrice de ce type de syndicalisme qu'on croyait impossible. Les chargées et chargés de cours ne sont pas un accident de l'histoire dont la résorption se fera naturellement par l'élargissement des effectifs du corps régulier des professeurs. Cette masse de salariés précaires est là pour rester et son existence a notamment permis aux universités d'assurer leur mission de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Civiliser la précarité en organisant syndicalement les chargées et chargés de cours et en négociant des conventions collectives de plus en plus complète[s] et contraignante[s] pour les employeurs: tel[le] fut la contribution du syndicalisme des chargées et chargés de cours.
En ce sens, le syndicalisme des chargées et chargés de cours apparaît avec le recul comme une forme de réponse sociale au sein des universités à ce profond bouleversement dans le monde du travail caractérisé entre autres choses par la flexibilité accrue des conditions de travail, par la précarisation du travail. C'est d'ailleurs un peu pour mesurer l'ampleur de ce phénomène et les réponses sociales et syndicales qu'il suscite, que le regroupement université de concert avec d'autres regroupements et comités a organisé à Montréal la cinquième édition de COCAL.
Réseau nord-américain d'enseignantes et d'enseignants précaires, organisé syndicalement ou pas, la Coalition of Contingent academic Labor met en relief le caractère généralisé de ce phénomène de précarisation du travail dans les institutions d’enseignement en Amérique du nord et l'importance stratégique décisive du syndicalisme affilié pour lutter contre cette nouvelle forme d’exclusion sociale qu'est l'explosion du travail précaire. Rendons à César ce qui appartient à César en soulignant, au passage, que la FNEEQ fut la première fédération syndicale en Amérique du nord à saisir l'importance de ce combat et à accueillir les premiers syndicats de chargées et chargés de cours et leur bien étrange discours fortement imprégné d’indignation sociale[61].
À l'aube de l'an 2000, la concertation prend un nouvel élan: on ajoute le besoin d'actions communes au partage d'information et au discours commun. Une série d'actions s'organise. Ainsi, le 22 novembre 2000, les syndicats tiennent la première Journée nationale des chargés de cours dans leurs établissements, une opération de reconnaissance et de visibilité. À l'automne 2001, les présidences de syndicats du regroupement se rendent à Chicoutimi, en appui à leurs collègues du SCCCUQAC en négociation. En mars 2002, le regroupement tient une réunion à Québec afin de soutenir le SCCCUL en campagne de rattrapage salarial.
Dans l'histoire du regroupement, cette négociation marque une avancée importante: outre la nécessité d'un discours commun, la concertation des actions est apparue primordiale. Les gains ont été appréciables autant en ce qui a trait aux conditions normatives de travail que de la rémunération – un rattrapage salarial variant de 8% à 11%, ainsi que les paramètres du secteur public et parapublic. Lors de cette négociation, les chargées et chargés de cours sont parvenus à une reconnaissance certaine dans le monde universitaire et dans l'opinion publique[62].
Les chargées et chargés de cours connaissent ensuite une série de négociations gagnantes sur tous les points de la plateforme commune de revendications. Tout au long, la solidarité se manifeste dans le plus grand respect de l'autonomie de chaque syndicat, particulièrement lors des grèves à l'Université Laval et à l'Université TÉLUQ.
[…] La rémunération d'une charge de cours […] est passée en dix ans de 5000$ à 8000$, soit une augmentation moyenne de 6% par année. Au fil du temps, l'expérimentation de la négociation regroupée a mis en lumière certains éléments essentiels à la réussite, notamment la bonne préparation d'un cycle de négociation. De l'élaboration de la plateforme commune aux sessions de formation, c'est un ensemble de facteurs qui permettent aux syndicats de s'outiller afin d'arriver fin prêts aux tables locales[63].
La phase de négociation 2005-2009 se termine avec la signature de la convention à l'UQAT. Ce cycle, marqué par des grèves à l'Université Laval, à l'Université du Québec en Outaouais et à la TÉLUQ, a permis un important rattrapage salarial.
Le regroupement dit du cycle suivant qu'il est «sans doute une des négociations regroupées les plus importantes entre des syndicats CSN.» Neuf syndicats en provenance de six régions sont en négociation pendant cette période. Les chargées et chargés de cours veulent faire reconnaitre leur apport à l'université, eux qui donnent en moyenne 50% des cours de premier cycle dans l'ensemble des établissements universitaires québécois.
En décembre 2009, les syndicats se rendent à l'Université de Montréal pour manifester leur solidarité aux chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal, pris dans une négociation difficile. Ils sont les premiers à enclencher le nouveau cycle. Ils feront la grève pendant sept semaines pour éloigner les prétentions autoritaires de l'administration de l'Université.
Cette négociation du SCCCUM marque le début de la nouvelle phase de négociation. Une quatrième entente de solidarité est entérinée par le regroupement université.
Les sept semaines de grève ont permis des avancées notables quant à des enjeux importants, mais aussi de contrer des attaques de l'employeur, notamment la perte éventuelle du lien d'emploi à la suite d'un désistement. Le règlement prévoit une augmentation salariale de 6,55%, montant auquel s'ajouteront les paramètres négociés dans le secteur public, et ce, pour les quatre années de la convention collective[64].
Quatre autres syndicats du regroupement sont en négociation en 2010: ceux des chargées et chargés de cours de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), de l'Université du Québec en Outaouais (UQO), de l'Université Laval ainsi que de l'éducation permanente de l'Université Concordia.
Le Syndicat des chargés-es de cours et instructeurs-trices de l'Université McGill (SCCIM) signe enfin une première convention collective après quatre ans de négociation. Une longue lutte pour la reconnaissance. […] De leur côté, les auxiliaires d'enseignement de McGill ont accepté l'offre de l'employeur lors d'une assemblée générale tenue le 30 septembre[65].
Depuis 2012, les universités ont subi en quatre ans des compressions de plus de 700 millions$, une mutation entrepreneuriale et une augmentation du nombre d'étudiantes et d'étudiants par groupe les universités sont dans un piètre état.
On peut camper les négociations dans ce contexte «austéritaire», fermé et sans dialogue. Ainsi, à l'Université de Montréal, à l'UQAM, à l'ÉTS et à Concordia, on s'arme de patience et de détermination. Les chargées et chargés de cours de l'UdeM, au cœur d'une vaste restructuration de l'université, font face à une judiciarisation croissante qui alourdit les relations de travail et qui génère aussi des coûts énormes. À l'UQAM, la situation est explosive!
Les étudiantes et les étudiants salariés sont en grève depuis décembre 2015 et le conflit ne semble pas près de se résoudre. Les professeurs et les chargés de cours sont aussi en négociation, ce qui a permis de belles mobilisations intersyndicales. La solidarité est au rendez-vous, mais la vidéosurveillance et la répression aussi! À Concordia, les compressions et les menaces liées au projet de loi sur les régimes de retraite (PL 75) ont, ici aussi, permis de réaliser des travaux en intersyndicale et des actions communes, du jamais vu à Concordia. Quant à l'ÉTS, on est à négocier la première convention des chargées et chargés de cours. La progression est lente, mais stable. En 2016-2017, près de la moitié des syndicats de chargés de cours de la FNEEQ seront en négociation[66].
Le cycle de négociation 2015-2018 se termine avec des gains et sans exercice de grève. Des votes de grève forts dans plusieurs syndicats et une bonne mobilisation ont fait pencher la balance du côté syndical même si, budget après budget, les compressions continuent de s'abattre sur l'université. À croire que l'équilibre budgétaire si cher au gouvernement Couillard passe par l'université.
Le SCCCUQ connait une autre mobilisation gagnante en 2017:
La négociation regroupée porte ses fruits. Au début de février dernier, le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ–CSN) a approuvé une entente de principe avec une augmentation totale de 8,61 % sur quatre ans, une clause remorque avec les professeurs pour 2019 et d’autres gains en matière d’accès à la recherche. Après une grande mobilisation sur le terrain et l’adoption d’une banque de jours de grève, la direction de l’Université du Québec a rapidement réglé avec le syndicat. Voilà une première leçon à retenir. La présente ronde de négociation regroupée compte sur la participation de presque tous les syndicats de chargé-es de cours affiliés à la FNEEQ — sauf deux, ce qui représente plus de 10 000 chargé-es de cours[67].
Les négociations à l'Université de Montréal et à Concordia se passent bien et des accords sont obtenus. Un dossier cependant peine à se régler, celui des tuteurs et tutrices de l'Université TÉLUQ.
[…] tout le regroupement université (RU) se mobilise derrière le syndicat des tuteurs et des tutrices de la TÉLUQ qui fait face à une attaque frontale de la part de la partie patronale. En effet, dans un assaut d’une rare violence, l'administration transforme profondément les tâches des tuteurs et des tutrices. Ces derniers, responsables de l'encadrement, donc de l'enseignement à proprement parler, seraient relégués à un rôle d'auxiliaire et de correcteur. Il est important ici de rappeler les luttes historiques menées par le syndicat et la FNEEQ pour la professionnalisation et la reconnaissance du travail des membres du STTTU. La grève de 2008 n'aura pas été vaine et les syndicats du RU ont déjà donné leur soutien au STTTU[68].
La négociation à l'Université TÉLUQ s'étend sur deux années. Exaspérés, les tutrices et les tuteurs sortent en grève générale illimitée fin janvier 2019 et y restent jusqu'à leur acceptation des recommandations du conciliateur le 10 juillet.
Le règlement négocié en présence d'un conciliateur du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale vient encadrer plusieurs enjeux cruciaux, dont la rémunération et la sous-traitance. Il établit également des balises protégeant les emplois des tuteurs et des tutrices. Finalement, le règlement met fin à tous les litiges en cours dans le dossier.
Les négociations entre le STTTU-CSN et l'Université TÉLUQ durent depuis plus de deux ans, alors que la convention collective est échue depuis décembre 2016. Tout au long des négociations, le syndicat a dû faire face à un employeur exigeant et peu flexible, ce qui a mené au plus long conflit du monde de l'enseignement au Québec. Les membres du Syndicat des tuteurs et tutrices de la Télé-Université-CSN ont mené, au cours des derniers mois, une mobilisation exemplaire. Ayant toutefois à cœur l'avenir de la TÉLUQ, ils ont souhaité ne pas mettre davantage en péril le parcours de leurs étudiantes et étudiants. La nouvelle convention collective prendra fin en 2024[69].
Au privé
La négociation dans les établissements privés, c'est un autre monde. Outre son hétérogénéité et la difficile pratique syndicale dans plusieurs établissements, ce qui caractérise le regroupement à ce stade-ci, c'est le désir de s'affirmer, de prendre sa place. De plus en plus d'enseignantes et d'enseignants du privé vont adhérer à la FNEEQ alors que des établissements ferment. La Fédération revendique la protection des emplois lorsque des établissements privés passent au public, mais lorsque le Collège Antoine-Girouard de Saint-Hyacinthe ferme, il n'y a pas d'entente, pas d'emplois protégés.
Le contexte de la baisse démographique en région et des compressions budgétaires fragilise le réseau des écoles privées. Les enseignantes et les enseignants des écoles privées constatent qu'ils ont de moins en moins d'autonomie professionnelle, qu'ils font face une dévalorisation constante de la profession enseignante. Les administrations tentent aussi de plus en plus de s'en remettre à la sous-traitance pour les autres catégories de personnels.
La présence de la sous-traitance est également de plus en plus observable dans nos institutions. Après avoir vu les dommages causés aux employés de soutien au Collège Stanislas, les dérives possibles inquiètent nos membres. Certaines directions pourraient être tentées, par souci d’économie, de sous-traiter du travail normalement effectué par nos membres syndiqués[70].
Les compressions budgétaires imposées par le gouvernement et la baisse des subventions qui s'ensuit font mal aux établissements privés et entraînent des fermetures. Négocier dans ce contexte est difficile. Une meilleure concertation entre les syndicats et avec la Fédération devient un outil essentiel. La grande diversité des syndicats, l'absence de culture syndicale chez plusieurs, particulièrement chez les nouveaux syndicats, laisse peu de choix au regroupement, qui doit miser sur l'information, les échanges et la formation.
Au cours des années, nous constatons que les négociations s'avèrent de plus en plus ardues et complexes parce qu'elles sont tributaires, entre autres, des diminutions de subventions. Le regroupement a […] tenté de se donner les moyens de répondre aux exigences et retombées des décisions prises par le gouvernement et par les employeurs. La voie de la concertation et celle de la formation ont à cet égard été privilégiées et bien appréciées.
Des sessions de formation sur la négociation, le règlement des litiges et l'analyse financière ont été données aux personnes dirigeantes des syndicats en tenant compte de leurs besoins spécifiques. L'évaluation qu'elles en ont faite est positive. À l'heure présente, il semble clair que l'organisation de sessions de formation adaptées aux besoins et réalités du regroupement soit appréciée et suscite, par le fait même, une meilleure et plus grande participation des militantes et des militants[71].
Les négociations débouchent généralement, à quelques exceptions près, sur des ententes acceptables. Personne ne veut voir son école acculée à la fermeture et le récit de quelques négociations illustre assez bien le dilemme auquel les syndicats sont confrontés.
Plusieurs négociations ont été conclues [en 1995], telles l'École de conduite de Québec, le Petit Séminaire de Québec, les collèges de La Pocatière, de Notre-Dame-de-Lourdes, de Jean-de-Brébeuf, de Stanislas à Québec (première convention), le Pensionnat de l'école primaire Les Arbrisseaux et l'École Vanguard. Plusieurs autres syndicats sont actuellement en négociation, soit le Séminaire de Lévis (en conciliation depuis août 1996), le Séminaire Saint-François, le Collège de Montréal (première convention), l'École de musique de Jonquière, le Séminaire salésien de Sherbrooke et l'École Saint-Sacrement de Terrebonne. Dans ce secteur, le rapport de force est essentiellement lié aux fluctuations de la clientèle. Cependant, en qui concerne les conventions collectives FNEEQ, le patron d’un collège privé nous avouait dernièrement que «C'est, vous autres, à la FNEEQ, qui avez conservé les meilleures conventions dans le privé[72].»
Les employeurs ont souvent le même réflexe. En cas de baisse de revenus (clientèle ou subventions), ils tentent d'aller chercher l'argent au plus près, c'est-à-dire dans les poches des employés. C'est encore plus vrai lorsqu'un syndicat entre pour la première fois dans un établissement.
Six syndicats envisagent d'entreprendre une première ronde de négociations pendant l'année qui vient [1998]. Le nerf de la guerre sera bien entendu de faire face aux compressions annoncées. […] Ainsi, nous devons déjà constater, chez certains employeurs, des réductions d'échelles salariales comme une alternative aux compressions budgétaires. Par ailleurs, certains syndicats (Petit Séminaire de Québec, Collège Jean-de-Brébeuf, Institut Teccart, École Notre-Dame-de-Lourdes, Collège Notre-Dame-du-Sacré-Cœur, École Vanguard, Collège Mont-Royal, Séminaire St-François) ont tous convenu d'un règlement le printemps dernier. Si certains syndicats ont réussi à faire des gains, ils ont tous eu à consentir à des augmentations de tâche ou à des pertes salariales. Dans les circonstances, certains règlements ont, somme toute, été positifs pour quelques syndicats. L'année qui vient s'annonce très cruciale pour les membres du regroupement privé. Le financement du réseau est très sérieusement remis en cause. Or, la tâche des enseignantes et des enseignants est plafonnée, les services offerts par les collèges sont largement amputés et la contribution des parents atteint, dans plusieurs cas, la limite permise par la loi. Bref, la pression qui va s'exercer sur les enseignantes, les enseignants et le personnel sera, dans un proche avenir, excessivement forte[73].
La fermeture du secteur collégial au Petit séminaire de Québec a permis de mettre en pratique la politique de la FNEEQ en cas de transfert au public dans une situation de fermeture d'établissement.
Ainsi, en ce qui concerne la relocalisation au secteur public, une entente avec le ministère de l'Éducation, les directions des cégeps de la région de Québec, les syndicats et la FNEEQ accordait à l'enseignante ou l'enseignant du Petit Séminaire de Québec qui postulait dans un de ces collèges d'être automatiquement reçu en comité de sélection. Certains enseignants et enseignantes ont ainsi pu obtenir des charges d'enseignement dans trois cégeps.
[…] signalons que ces ententes, jumelées à celles concernant les départs à la retraite et celles sur la cessation d'emploi ont donné des résultats satisfaisants, puisqu'il n'y a pas eu de perte d'emplois au Petit Séminaire de Québec. Dans la même veine, un programme spécial de 30 crédits a été offert aux enseignantes et enseignants qui souhaitaient obtenir une autorisation pour enseigner au secondaire du Petit Séminaire de Québec[74].
Un cas similaire se présente en 2002 au Collège de Lévis qui ferme son secteur collégial. Le Collège veut concentrer ses activités sur l'enseignement secondaire. Malgré la fermeture, le syndicat sauvegarde tous les emplois à la faveur de mises à la retraite, de relocalisation dans un autre collège ou d’affectation au niveau secondaire.
La réforme gouvernementale de l'enseignement primaire et secondaire de la fin des années 1990 est aussi préoccupante pour les syndicats, le regroupement et la Fédération. La majorité des établissements syndiqués du regroupement privé sont au secondaire.
[…] L’ampleur de cette réforme est considérable et implique, en plus des changements au curriculum, aux programmes et aux méthodes pédagogiques, des répercussions sur les conditions de travail des enseignantes et des enseignants. […] ce sujet fut largement traité par le regroupement. Afin de tracer un portrait fidèle de la situation à l’intérieur des syndicats, un comité pour étudier l’impact de la réforme sur les conditions de travail fut formé. Ce travail a permis de constater un danger de précarisation des emplois dans les syndicats des établissements d’enseignement privé. En effet, l’apparition de nouveaux champs disciplinaires, la disparition des certaines disciplines [sic], les changements parfois importants imposés à la grille horaire sont autant de facteurs qui viennent fragiliser les emplois[75].
De plus, l'équité salariale, que la CSN et la FNEEQ ont gagnée de haute lutte, n'est pas simple à appliquer dans les établissements privés.
[…] plusieurs établissements d'enseignement privés devaient se conformer à l'obligation de s'inscrire dans une démarche d'équité dans le contexte d'une entreprise privée. Amorcée durant le […] mandat [1998-2000], le processus fut intensifié à partir de l'hiver 2000, date à laquelle la coordination du regroupement offrit aux syndicats une formation surmesure. A l'issue de ces rencontres, la majorité des comités locaux retenait le canevas CSN comme outil de travail.
Cependant, au fur et à mesure que les travaux en équité évoluaient, des cas de figures apparaissaient et mettaient en cause le maintien de clauses de parité salariale avec le secteur public. En effet, selon les établissements, la prédominance des sexes à l'intérieur des catégories d’emploi pouvait être différente. Comment alors préserver l'intégrité des clauses de parité salariale gagnées de haute lutte?
Le regroupement analysa la situation sous divers angles. De ses travaux est ressortie l’importance de maintenir la parité salariale avec le secteur public correspondant, bien que l’arrimage puisse présenter certaines difficultés d'application dans le contexte de la loi sur l'équité salariale. À cet effet, le regroupement privé entend demeurer vigilant[76].
En 2005 et 2007, trois syndicats sont touchés par des conflits. La FNEEQ demande alors que les conseils d'administration de ces établissements ne soient plus cooptés et qu'il y ait élections pour y retrouver des parents et des membres du personnel.
Il est plutôt rare dans le secteur de l'enseignement privé que les syndicats utilisent la grève comme moyen de pression lors des négociations. Pour le personnel enseignant, un moyen de pression ne doit toucher les services aux élèves qu'en dernier recours. Malgré cette volonté, des syndicats du regroupement privé ont vécu des conflits de travail importants, dont deux lock-out survenus en 2005 et une grève en 2007.
Lockout au Collège Notre-dame-de-Lourdes à LongueuiL
Le 22 avril 2005, après deux années de négociation, la direction du Collège Notre-Dame-de-Lourdes à Longueuil décide de mettre ses 48 enseignants en lockout, prétextant avoir un problème de relations de travail avec leur syndicat. Pourtant, il n’y a aucun grief actif à ce moment-là. L’objectif de la direction est d’augmenter la tâche des enseignants et de restreindre l’accès à la permanence, sans raison valable. Les 800 élèves ont donc été privés d’enseignement pendant trois semaines. La direction du Collège va lever le lockout après l’intervention d’un médiateur du ministère du Travail. Malgré le retour en classe des enseignantes et enseignants, l’impasse demeure totale. Le règlement de la convention collective n’a lieu qu’un an plus tard, quelques jours après que le syndicat eut déposé une plainte pour négociation de mauvaise foi.
Lockout au Collège Saint-Sacrement de Terrebonne
Quelques semaines après la fin du lockout au Collège Notre-Dame-de-Lourdes, c'est au tour des 65 enseignants du Collège Saint-Sacrement de Terrebonne de se retrouver à la rue. En effet, le 27 juin 2005, trois jours avant le versement des paies d'été, l'employeur décrète un lockout et tente de laisser croire aux enseignants qu'ils seront privés de leur rémunération durant la période des vacances estivales. Après 1984 et 1999, c'est la troisième fois que la direction du Collège utilise le lockout comme stratégie de négociation. La direction menace de ne pas ouvrir ses portes en septembre si une entente n'est pas signée avant la fin des vacances. La menace est mise à exécution et 1400 élèves ne peuvent reprendre les cours à la rentrée. Le conflit de travail prend fin le 30 septembre 2005 alors que les deux parties apposent leurs signatures sur une entente d'une durée de quatre ans. Ce n'est que le 4 octobre que les élèves pourront reprendre leurs cours.
Syndicalisation et grève au Collège Villa Maria
Au cours de l'hiver 2005, les enseignants du Collège villa maria en ont assez de l'attitude de la direction et organisent une campagne de syndicalisation. Le manque de respect de l'employeur, l'augmentation de la charge de travail et le salaire sont au cœur des demandes des enseignantes et enseignants. Ils obtiennent leur accréditation en mai 2005, mais ceux qui espèrent avoir rapidement un premier contrat de travail se rendent compte, après quelques séances de négociations, que la partie sera difficile. Après 21 mois de négociation et de conciliation, la charge de travail, les congés sociaux et le régime d'assurance sont toujours au cœur des pourparlers.
Le 19 novembre 2007, les 80 enseignants se prononcent à 80 % en faveur d'un mandat de grève de trois jours. Après une première et dernière journée de grève le 6 décembre, la direction s'empresse de demander l'arbitrage de première convention collective. L'arbitre rend sa décision quelques semaines plus tard en faveur des enseignantes et enseignants, dénonçant l'attitude «marchande» de l'employeur.
En 2010, le regroupement veut aller plus loin dans la concertation des négociations.
Le regroupement compte 34 syndicats, souvent très différents les uns des autres. Un projet de convention unique est impensable, mais les syndicats s'entendent sur une plateforme de revendication concernant les droits parentaux, les droits syndicaux, incluant les libérations syndicales et les divers types de congés[77].
En quelques années, les adhésions de syndicats du privé à la FNEEQ se multiplient, amenant des gains souvent importants à ces enseignantes et ces enseignants nouvellement syndiqués.
La FNEEQ met au service de ces nouveaux venus des ressources et une expertise qui permettent de franchir avec succès la délicate et importante étape d'une première négociation de convention collective. L'entente obtenue par le syndicat du Collège Jean de la Mennais, en février dernier [2016], en est un parfait exemple. Après deux ans de mobilisation et de rencontres, le comité de négociation a présenté aux membres un contrat de travail qui améliorait substantiellement leurs conditions de travail sur les plans de la tâche, de la consultation pédagogique, des congés et des droits parentaux. C'est la preuve éclatante que se syndiquer au XXIe siècle constitue toujours un geste collectif qui a de l'impact dans un milieu de travail[78].
L'année 2016-2017 est une « grosse » année de négociation: plus de la moitié des membres du regroupement sont en renouvellement de leur convention, soit près de 2 500 enseignantes, enseignants et membres du personnel des établissements privés.
Dans cette perspective, la coordination a profité du cadre des réunions régulières du regroupement de l'an dernier [2016] pour préparer le terrain en proposant aux déléguées et aux délégués des formations condensées sous forme d'ateliers: en février s'est tenue la formation «Comité de relations de travail», en avril, «Membre du conseil d'administration» et nous ajouterons l'hiver prochain «Mobilisation» et «Information sur les réseaux sociaux». Cette formule adaptée à la réalité du regroupement a beaucoup plu aux déléguées et aux délégués, car ils ne bénéficient pas d'un grand nombre de libérations syndicales. Elle a favorisé les échanges et le partage d'informations[79].
Au printemps 2017, plusieurs ententes sont conclues. Cinq établissements, soit le Collège de Montréal, Villa Maria, Mont-Royal, Regina Assumpta et le Collège André-Grasset, renouvellent leur convention collective.
La coordination du regroupement privé se réjouit du fait que chaque table de négociation a pu négocier des gains significatifs à sa convention collectives: diminution de la tâche, réduction de la précarité, augmentation de la contribution de l'employeur aux assurances collective, amélioration des dispositions entourant les droits parentaux, etc. Ces améliorations locales constituent autant d'exemples que pourront évoquer les autres syndicats du regroupement dans leur propre négociation. Douze d'entre eux se préparent à négocier en 2017-2018.
Par ailleurs, le syndicat des travailleuses et des travailleurs de Mashteuiatsh ainsi que celui de l'École de joaillerie de Montréal ont obtenu leur toute première convention collective de travail en mai et en juin derniers. Ces ententes permettent à leurs enseignantes et leurs enseignants de vivre, pour la première fois, une rentrée scolaire en profitant de conditions de travail négociées[80].
Fondateurs de la FNEEQ, premiers syndicats d'enseignantes et d'enseignants à la CSN, on dirait bien que les syndicats des établissements privés sont de retour.
La profession enseignante au cégep
Quelques jalons dans l'affirmation
Il serait périlleux de faire l'historique de la négociation et des luttes enseignantes dans les cégeps en quelques pages. Ainsi, trois morceaux d'histoire choisis, soit l'épanouissement de la culture de collégialité, l'obtention du rangement 23 et les questions relatives à l'accès à l'égalité, permettront d'illustrer concrètement comment l'affirmation de la profession enseignante au collégial se traduit au fil des négociations.
L'épanouissement de la culture de collégialité
La création des cégeps répond à une vision humaniste de l’éducation où les formations comprennent une dimension citoyenne essentielle. La culture de collégialité présente dans les cégeps semble également découler naturellement d’une vision humaniste qui aplanit la hiérarchie au profit de la coopération. La notion de collégialité précède d’ailleurs la création des cégeps, puisqu’elle fait partie intégrante de leur projet. Le rapport Parent de 1963 envisage en effet une gestion participative et la constitution de départements où la responsabilité est portée par la communauté du collège qui anime et oriente l’établissement:
«C’est le principal, ses assistants et le conseil des études qui porteront la responsabilité de la direction de l’enseignement. […] Le principal, ses assistants, les chefs de départements et des professeurs élus par leurs collègues formeront le Conseil des études dont les fonctions seront de première importance pour la coordination des départements, des programmes et des différentes institutions engagées dans ces programmes. C’est ce Conseil qui sera comme le centre nerveux qui animera et donnera une orientation à tout l’institut. Enfin, l’enseignement dépendra beaucoup de la valeur de chaque département. C’est dans les départements que se fera l’intégration des étudiants et des professeurs; c’est par le département que chaque étudiant se développera dans sa spécialité, en contact avec des confrères et des maîtres.[81]»
En outre, le texte souligne l’importance de l’expertise du terrain et la reconnaissance de cet apport pour une coordination institutionnelle efficace:
«Le principal devra être choisi avec soin: surtout au début, le succès de la mise en commun des ressources dépendra largement de lui.
Éducateur forcément spécialisé dans un secteur, il devra avoir une expérience suffisante pour comprendre les particularités de tous les programmes, pour diriger et coordonner un ensemble vraiment polyvalent[82].»
Ainsi, le rapport Parent met en évidence l’importance que la personne qui dirige l’établissement soit issue du milieu de l’enseignement et qu’elle ait une expérience disciplinaire, mais aussi du terrain, pour assurer la coordination d’un «ensemble vraiment polyvalent». Ce principe ne s’est pas incarné comme tel à travers le temps, mais il est intéressant de constater que, dès l’origine, l’expertise enseignante est identifiée comme une qualité essentielle pour la gouvernance de ce type d’établissement. Ce principe s’incarnera notamment à travers les instances collégiales que sont les départements et les comités de programme.
Les départements et leur coordination
Le lieu où s’exprime sans doute le plus fortement la notion de collégialité est le département, qui regroupe les enseignantes et les enseignants d’une même discipline ou de plusieurs disciplines apparentées. Il est particulièrement intéressant de se pencher sur l’épanouissement du concept de collégialité à travers l’évolution de la notion de coordination départementale.
Les premières conventions collectives des enseignantes et des enseignants de cégeps prévoient, de 1969 à 1979, des chefs de département que le collège nomme en fonction d’une liste soumise par le département: c’est le collège qui fixe la date de leur entrée en fonction et la durée de leur mandat.
En 1979, on passe de la notion de «chef de département», dont la connotation est très hiérarchique, à la désignation plus collégiale de «responsable de la coordination départementale». Cette personne est désignée par le département selon ses propres critères, puis nommée par le collège. La durée du mandat n’est plus laissée à la discrétion du collège, mais fixée à un an et le mandat peut être renouvelé, comme c’est toujours le cas dans les conventions actuelles.
Depuis 1983, la convention collective ne parle plus de responsable à la coordination, mais simplement de coordonnateur et, depuis 1986, de coordonnatrice, la féminisation étant désormais appliquée au texte de l’ensemble de la convention collective.
De plus, de 1972 à 1988, un supplément était accordé aux personnes qui assumaient le rôle de la coordination départementale et pouvait varier d’un département à l’autre après avoir été déterminé au comité des relations du travail. Une telle prime contribuait à créer l’impression d’une hiérarchie remplacée de nos jours par l’idée fortement ancrée que la coordination départementale est assumée par un pair parmi les pairs. Le travail de coordination départementale est reconnu selon un rapport par des ressources déterminées qui s’ajoutent à celles du département en fonction du nombre de membres.
L’évolution de la notion de coordination départementale témoigne d’une maturation de la convention collective au fil des négociations qui a donné lieu à une plus grande démocratisation des structures par et pour les enseignantes et les enseignants.
L’approche programme et les comités de programme
L’approche programme qu’instaure la réforme Robillard de 1993 ne se fait pas sans heurts dans les cégeps. La gestion des programmes par compétences est décentralisée vers les collèges, et un cadre législatif les force à se doter de politiques institutionnelles en conséquence et à mettre en place une commission des études. Témoin de ce changement, la convention collective intègre en 2000 les comités de programme, des structures interdisciplinaires comprenant des enseignantes et des enseignants de toutes les disciplines d’un programme concerné. Associée à la réforme Robillard, cette instance sera loin de faire l’unanimité et, au départ, elle fait même parfois l’objet d’un boycottage.
Les comités de programme ont pour fonction de participer au développement, à l’implantation et à l’évaluation des programmes ainsi que d’en assurer la qualité et l’harmonisation pédagogiques. Ils reposent sur l’expertise enseignante que suppose la complexité des savoirs enseignés.
L’histoire des départements et des comités de programme nous ramène au principe énoncé dans le rapport Parent voulant que l’expertise enseignante soit au cœur de la gouvernance institutionnelle. Ainsi, la «gouvernance pédagogique» est assurée par les enseignantes et les enseignants au sein des départements et des comités de programme précisément parce qu’ils cumulent la double expertise de spécialistes disciplinaires et de spécialistes de l’enseignement de leur discipline.
Le rangement 23 et la confirmation de l’appartenance à l’enseignement supérieur
Dans le secteur public, le processus de relativité salariale qui relève du Conseil du trésor évalue chacune des catégories d’emploi en fonction de dix-sept critères auxquels un pointage est accordé pour en déterminer l’appartenance à l’un des 28 rangements existants. À chacun des rangements correspond une rémunération maximale.
Avant la négociation de 2015, les enseignantes et les enseignants de cégep n’étaient pas rangés, mais classés provisoirement au rangement 22 en vertu d’une clause de parité salariale, c’est-à-dire au même rangement que les enseignantes et les enseignants des commissions scolaires et selon la même rémunération.
La lutte du personnel enseignant des cégeps pour son propre rangement se fera en deux étapes : d’abord, la reconnaissance de cette catégorie d’emploi comme une catégorie mixte distincte de celle de l’enseignement primaire et secondaire; ensuite, l’inscription du rangement dans les travaux de relativité salariale plutôt que dans ceux de l’équité salariale. Il faudra dix-sept ans de travaux et de mobilisation pour atteindre l’objectif.
Dès octobre 1998, le regroupement cégep mandate le comité de stratégie — seule instance de recommandation en ce qui a trait à la négociation et à la mobilisation — pour « mener des travaux permettant d’établir la spécificité de l’enseignement collégial et le caractère distinct du groupe d’enseignantes et d’enseignants de l’ordre collégial[83]». Cette demande se précise dans le temps notamment par la revendication de la reconnaissance de l’enseignement collégial comme appartenant à l’enseignement supérieur.
En 2006, les parties nationales, alors formées du CPNC (Fédération des cégeps et ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport) ainsi que de la FNEEQ-CSN, la FEC-CSQ et la FAC[84], mènent des travaux importants qui donneront lieu au rapport Enseigner au collégial…Portrait de la profession, paru en 2008. Il s’agit d’un document phare qui brosse un portrait de la profession enseignante au collégial, de l’ensemble des activités accomplies et des aspects individuel et collectif de cette pratique. Ce rapport aura une incidence sur la négociation de la convention collective, mais aussi sur la reconnaissance de la complexité, des caractéristiques et des exigences de la pratique enseignante.
En 2013, alors que les enseignantes et les enseignants de cégep de la FNEEQ attendent avec impatience la conclusion des discussions relatives au rangement, le Conseil du trésor marque un recul important et jette de l’huile sur le feu en déclassant le personnel enseignant des cégeps au rangement 21. Il crée une véritable onde de choc chez les enseignantes et les enseignants de la FNEEQ, qui se mobiliseront massivement avec l’opération «Dérangement 21». Cette forte mobilisation force le Conseil du trésor à revenir sur sa décision, mais il place alors le personnel enseignant au rangement 22, qui ne tient pas compte de la réalité de la pratique en enseignement supérieur. Les enseignantes et les enseignants de cégep donnent alors comme mandat à leurs représentantes et représentants nationaux à la table centrale d’inclure leur revendication pour un rangement cohérent dans la négociation nationale.
À l’automne 2015, alors que la dernière ligne droite de la négociation se dessine, le Conseil du trésor se rend aux arguments de la FNEEQ et de la CSN, notamment sur les facteurs de l’autonomie, de l’expérience et de l’initiation à la profession qui distinguent notre catégorie d’emploi. La négociation permet de maintenir dans l’échelle salariale les échelons pour la maîtrise et le doctorat, qui n’existent dans aucune autre échelle salariale du secteur public. Le rangement 23 est ainsi obtenu, reconnaissant la profession enseignante au collégial dans sa complexité et son appartenance à l’enseignement supérieur.
Les correctifs salariaux relatifs au rangement 23 ont pour leur part été appliqués en avril 2019.
La FNEEQ à l’avant garde sur les questions d’accès à l’égalité
La FNEEQ a été une précurseure dans la réflexion sur la discrimination positive envers les femmes, qui sera plus tard désignée par la notion d’accès à l’égalité et qui s’étendra à d’autres groupes. La FNEQ intègre le féminin dans son nom et devient la FNEEQ en 1982. La féminisation de la convention collective est effective à partir de 1986-1988: désormais, «enseignantes et enseignants» remplace le masculin «professeur». Au-delà de la féminisation des textes, l’évolution des conventions collectives du personnel des cégeps place sans conteste la FNEEQ à l’avant-garde de la réflexion sur l’accès à l’égalité des femmes, puis à celle d’autres groupes qui sont, eux, minoritaires.
Au Québec, la Commission des droits de la personne et la Charte des droits et libertés de la personne sont créées en 1975 et, en 1982, des modifications apportées à la Charte rendent légaux les programmes d’accès à l’égalité pour les groupes victimes de discrimination en emploi. Si le gouvernement du Québec lance un programme de subventions pour la mise en œuvre de programmes d’accès à l’égalité pour les femmes en 1987, la convention collective les précède en mettant en place dès 1983 le comité national d’accès à l’égalité, qui a pour mandat d’établir un programme relatif aux femmes et touchant les domaines de l’embauche, de la sécurité d’emploi et du perfectionnement. Une dizaine de collèges participeront au projet de démarrage volontaire des programmes, qui ont pour objectif l’égalité entre les femmes et les hommes. La FNEEQ précède ainsi la loi.
Il est intéressant de faire une parenthèse pour noter que la convention suivante, soit celle de 1986-1988, inclut deux nouvelles clauses: l’une sur la non-discrimination, l’autre sur le harcèlement sexuel. Les négociations des années 1980 sont donc marquées par une importante préoccupation syndicale pour que les conditions de travail soient liées de façon intrinsèque au cadre plus large du respect des droits de la personne et que cela se traduise dans la culture organisationnelle.
L’ensemble de ces clauses apparaissent toujours dans la convention collective actuelle et, depuis 2005, des clauses sur la violence et le harcèlement psychologique s’y ajoutent.
En 1989, des comités locaux se greffent au comité national d’accès à l’égalité. Ils ont pour mandat d’étudier tout problème d’accès à l’égalité, de faire des recommandations aux collèges et d’élaborer un programme d’accès à l’égalité au besoin. Il faut souligner que les enseignantes et les enseignants siègent aux comités de sélection et que cela rend d’autant plus pertinent le rôle qu’ils jouent quant à l’accès à l’égalité.
Le mandat des comités d’accès à l’égalité, tant sur le plan national que local, s’élargira à compter de 2000 en raison de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics qui rend obligatoires les programmes d’accès à l’égalité au sein des organismes publics. À partir de 2000, la loi vise, en plus des femmes, les Autochtones ainsi que les personnes faisant partie des minorités visibles et des minorités ethniques et, en 2005, elle inclut les personnes handicapées. L’obligation légale à laquelle sont soumis les cégeps confirme la pertinence des comités d’accès à l’égalité, qui ont devancé la loi et qui permettent de traiter de questions cruciales avec l’expertise spécifique des gens du milieu.
Rien n’est cependant acquis. On peut ressentir une grande fierté à l’égard de l’avant-garde dont fait preuve la FNEEQ en matière d’accès à l’égalité. Par contre, on doit se désoler du recul important que la partie patronale a fait en la matière lors de la négociation de 2015 alors qu’elle a travaillé avec acharnement à retirer des conventions collectives les comités d’accès à l’égalité, heureusement sans succès du côté des enseignantes et des enseignants. Elle y est quand même parvenue dans les conventions des personnels de soutien et professionnels.
La lutte pour préserver ces comités, dont l’importance nous est sans cesse rappelée par l’actualité, sera encore à faire. Les 50 ans de militantisme à la FNEEQ sont le parfait exemple que la force du nombre et la mobilisation nous donnent les moyens de mener nos luttes jusqu’au bout!
Chargées et chargés de cours
La négociation regroupée des années 2000
C’est en 1987 que les syndicats de chargées et chargés de cours des universités se sont rencontrés pour la première fois pour échanger entre eux les informations concernant leurs négociations locales. Les rondes de négociation des syndicats du regroupement université[85] se déroulent sur une période de deux ou trois ans, à la suite de laquelle un bilan est fait par la coordination du regroupement en collaboration avec les représentants des syndicats. Lors de la ronde de négociations des années 1999-2001, les membres du regroupement se sont entendus pour formuler des demandes communes, définir un plan d’action commun et favoriser une plus grande circulation de l’information. Cette formule de négociation a permis aux syndicats de réaliser des gains majeurs, particulièrement en ce qui concerne les salaires.
Un protocole de négociation et une plateforme commune
Avant chaque période de négociation, les syndicats signent ce qu’il est convenu d’appeler le «Protocole de solidarité». En signant ce protocole (ou entente), les syndicats reconnaissent l’importance de s’unir dans l’action, entre autres pour échanger de l’information et se mobiliser, de constituer une plateforme commune de revendications et d’être solidaires envers les syndicats en grève. Toute cette démarche est faite de façon volontaire: l’autonomie des syndicats n’est à aucun moment remise en question et les gains obtenus au fil du temps ont renforcé, pour les syndicats de chargées et chargés de cours, l’importance de joindre leurs forces[86]. De leur côté, les employeurs, se méfiant d’une telle démarche de concertation, en sont venus eux aussi à échanger informations et stratégies pour tenter de contrer les demandes syndicales.
À la réunion du regroupement tenue en octobre 2000, les sujets de négociation suivants ont fait l’objet de demandes communes: avantages sociaux (assurance-salaire, assurance-médicament, assurance-maladie, congé de maternité, régime de retraite, autres congés), l’intégration politique et pédagogique, le perfectionnement, le soutien pédagogique, les nouvelles formes d’enseignement (NTIC et enseignement à distance) et l’évaluation[87]. La bataille principale porte toutefois sur le rattrapage salarial avec les professeurs. D’importants gains sont alors faits par les syndicats, toujours avec l’appui du regroupement, de l’équipe des personnes salariées de la FNEEQ, du Service d’action à la mobilisation et à la vie régionale (SAMVR) et de l’appui financier de la FNEEQ et du Fonds de défense professionnelle de la CSN (FDP). C’est ainsi que, par exemple, les chargées et chargés de cours de l’UQAR, de l’UQAT et de l’UQAC ont obtenu un rattrapage salarial de 16,5%; les chargées et chargés de cours de l’Université de Montréal, 12%; et ceux de l’UQAH (aujourd’hui UQO), 19,4%. Tous ces gains se sont réalisés sur une période de deux ou trois ans.
Des appuis au rattrapage salarial
Pour étayer leurs revendications, les chargées et chargés de cours du regroupement, qui font maintenant partie de l’Intersyndicale (SCCCUS, CUPFA et section locale 2661 du SCFP-FTQ, soit les chargées et chargés de cours de l’UQTR), peuvent compter sur une étude de l’Institut de la statistique du Québec présentée au Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQTR. Les résultats de cette étude sont divulgués publiquement le 3 novembre 1999. Cette étude, dont personne ne remet en cause le sérieux et la démarche, vient confirmer ce que tout le monde savait déjà: les chargées et chargés de cours sont payés beaucoup moins cher que les professeurs. Les membres de l’Intersyndicale s’entendent pour collaborer à une campagne portant sur le thème du rattrapage salarial.
Les syndicats de chargées et chargés de cours du regroupement vont chercher des appuis pour cette revendication au sein de la communauté universitaire: la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Fédération des professionnelles et des professionnels d’université (FPPU) vont toutes appuyer la demande de rattrapage salarial des chargées et chargés de cours.
Plusieurs documents sont produits en guise de soutien et sont distribués en dizaines de milliers d’exemplaires sur les campus universitaires. Un encart est inséré dans Le Devoir du 2 septembre 2001 (Les chargées et chargés de cours: mieux les connaître pour enfin les reconnaître). Un discours public commun s’articule autour de trois thèmes: la présence indispensable des chargées et chargés de cours, l’iniquité dans les conditions de travail et de rémunération; la contribution des chargées et chargés de cours à la qualité de la formation universitaire[88].
De 1987 à aujourd’hui: plus de 30 années de négociation coordonnée
Encore aujourd’hui, les syndicats de chargées et chargés de cours se réunissent pour définir des positions communes. Même si les discussions ne sont pas toujours évidentes, des priorités finissent par se dégager. L’arrimage des stratégies locales et des actions communes du regroupement présentent également certains défis. D’un autre côté, les rencontres fréquentes des membres du regroupement aident à créer une solidarité entre les membres. En brisant l’isolement du syndicat local, ces rencontres permettent de mettre en commun les bons et les moins bons coups, d’échanger sur les stratégies et de coordonner des actions. Plusieurs enjeux reviennent d’une ronde de négociations à l’autre dont l’équité de la rémunération, les assurances et l’évaluation des enseignements ne sont que quelques exemples. Certaines batailles sont plus longues que d’autres, mais les gains obtenus par l’un des syndicats du regroupement tracent bien souvent le chemin pour les autres. Le slogan de la dernière ronde de négociations (2016-2019) en est un bon exemple: «Un gain pour les uns = un gain pour tous».
La syndicalisation des enseignants et des enseignantes en milieu autochtone
Des organisations de Blancs?
Syndiquer un nouveau milieu n’est jamais facile, mais syndiquer un milieu autochtone est encore plus difficile. Évidemment, il y a les obstacles habituels, mais à cela s’ajoute la perception que les syndicats sont des organisations de Blancs qui viennent dire aux Autochtones comment gérer leurs relations de travail. Certaines personnes croyaient que les activités culturelles et tout ce qui faisait la particularité de notre milieu allaient disparaitre et que la syndicalisation allait appauvrir la communauté. Étrangement, ces propos ne venaient pas de notre employeur, mais de nos élèves et de nos membres syndiqués.
Les conditions de travail offertes par le conseil de bande étaient acceptables et comparables à celles du Québec, jusqu’au jour où le conseil a installé des mesures restrictives pour se donner une gestion financière plus saine. Beaucoup de secteurs ont subi une coupure de deux heures dans leur semaine de travail. En compensation, le conseil a mis en place un ajustement d’horaire qui permettait de fermer les bureaux à 12h tous les vendredis. Les membres du personnel enseignant ont vu leur salaire coupé de deux heures comme les autres secteurs de la communauté, mais en continuant de travailler le même nombre d’heures, puisqu’une école ne ferme pas à midi le vendredi. Malgré les contestations du personnel des écoles, on ne tient pas compte de leurs arguments.
Le personnel de l’école secondaire s’opposait à la syndicalisation initiée par le personnel de l’école primaire. Lors du vote, la syndicalisation est passée avec une majorité très mince. Le 3 avril 2014, nous avons reçu notre accréditation. Il fallait maintenant négocier une première convention collective. La tâche ne s’annonçait pas facile, puisque le milieu était divisé, et nous devions composer avec l’opposition d’une bonne part des employés et des employées. Heureusement, notre employeur a facilité le travail en respectant nos droits.
Nous avons signé notre première convention en avril 2017. Tout était nouveau. Il y avait beaucoup de difficultés et de résistance aux changements. Malgré l’attitude fermée de certaines personnes, les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’enseignement de Mashteuiatsh (STTEM) ont été agréablement surpris par les résultats de la négociation. Les conditions de travail se sont grandement améliorées. Par exemple, comme nous sommes une communauté autochtone, l’employeur peut pratiquer une embauche préférentielle pour les membres de la communauté qui ont la qualification. Chaque année, les postes des employés et des employées qui ne sont pas membres de la bande étaient affichés. N’importe quel membre de la bande pouvait prendre le poste désiré. La syndicalisation visait une équité entre les employés. La nouvelle convention collective respectait l’embauche préférentielle, mais les membres de la bande devaient prendre le poste de la personne la plus jeune. Maintenant, les postes sont attribués par ancienneté et les personnes employées sont consultées sur leurs intérêts.
Le comité exécutif a dû et doit travailler encore très fort pour rassembler ses membres et pour diminuer les tensions. Actuellement, les comportements sont positifs et la participation est meilleure. Chacun et chacune est à même de constater que les valeurs du syndicat sont proches de celles des Autochtones. Nous avons la liberté de nous diriger en profitant de conseils juridiques et du soutien de personnes d’expérience. Finalement, les activités culturelles et les budgets n’ont pas été affectés par la syndicalisation.
Activiste et solidaire!
Brosser le tableau de l’action internationale de la FNEEQ des 50 dernières années représente tout un défi! La toute jeune Fédération se préoccupe d’enjeux internationaux peu après sa fondation. La présidence représente la Fédération auprès de la Confédération syndicale mondiale de l’enseignement (CSME) associée à la Confédération mondiale du travail (CMT). C’est le comité exécutif qui voit aux demandes de solidarité d’ici et d’ailleurs.
En 1985, devant la demande croissante d’aide et d’appuis solidaires, la FNEEQ met en place un comité d’action internationale afin de conseiller les instances de la Fédération quant aux formes de solidarité à exercer, d’assurer son implication internationale et de multiplier son action sociopolitique.
Commençons donc par le nom du comité puisqu’il n’est pas anodin: il est ici question d’action internationale. Car pour la FNEEQ, la solidarité, c’est une question d’actions et d’échanges d’expériences. Au cours de cette période, la Fédération accueille bon nombre de délégations et verse des dons en appui à des luttes que mènent des organisations enseignantes du Sud, entre autres, d’Amérique latine.
Christiane Malet, membre-fondatrice du comité de solidarité internationale, était une militante intègre et d’une indéfectible loyauté envers ses idéaux. Emplie d’une grande empathie naturelle, elle était sensible aux réalités différentes des communautés dans le monde, particulièrement celles des femmes et des enfants, ainsi que celles de tous les enseignants, les enseignantes et les maîtres/alphabétiseurs. Les liens développés par le comité au cours des années avec des organisations enseignantes de partout dans le monde ont permis à la FNEEQ de se porter à la défense des droits humains et syndicaux hors des frontières nationales. Christiane, décédée trop tôt, en 2010, aura été et demeure une inspiration. (Isabelle Éthier, enseignante, cégep du Vieux Montréal, membre du comité action internationale de 1985 à 2000)
La FNEEQ est également affiliée à la Confédération des éducateurs américains (CÉA) depuis 1997.
Le tournant des années 2000
Les années 2000 marquent une nouvelle ère en conjoncture internationale alors que le phénomène d’altermondialisation et la tenue de forums sociaux se manifestent avec force. Le Québec est l’un des foyers de cette dimension d’action internationale et la FNEEQ, l’une des fédérations syndicales les plus actives sur la scène québécoise et internationale. L’action internationale de la Fédération se déploie bien au-delà du discours et reflète les orientations mises de l’avant par le comité.
Alors que Le Courrier de l’UNESCO rapporte en novembre 2000 que le secteur de l’éducation représente un «marché» de 2 000 milliards de dollars, les enjeux pour l’éducation sont immenses. La riposte s’organise: pas question de laisser le marché décider des finalités et de l’organisation de l’éducation. Les organisations syndicales, les organisations gouvernementales et les mouvements citoyens redoublent d’efforts pour contrecarrer ce scénario.
Des Amériques solidaires pour le droit à l’éducation
En avril 2001, à la veille du Deuxième Sommet des peuples des Amériques, qui se tient à Québec, quelque 300 personnes répondent à l’invitation de la Fédération et prennent part à un colloque international sous le thème «Des Amériques solidaires pour le droit à l’éducation». La FNEEQ et la CSN sentent la nécessité de développer davantage leur expertise au sujet du phénomène de la mondialisation afin de mieux analyser ses impacts sur les politiques nationales d’éducation. Cela montre une volonté clairement affirmée de contribuer au développement de véritables options syndicales populaires vis-à-vis des projets de libéralisation économique qui constituent des attaques à la souveraineté réelle des États, aux droits économiques et sociaux des populations. L’éducation est essentielle au développement de la démocratie. Ce colloque, organisé conjointement par le comité d’action internationale et le comité école et société, est un évènement déterminant dans la suite des choses.
Des lignes directrices
En 2003, la Fédération adopte une politique de solidarité internationale qui définit les principaux axes d’intervention: la délégation et la représentation, les dons à des organismes reconnus et les actions solidaires, la participation de la Fédération à des activités organisées au Québec par des organismes ou des coalitions travaillant en solidarité internationale, la participation à des colloques, forums, sessions de formation en action internationale; l’information et la promotion de l’action internationale auprès des syndicats locaux; l’intervention du comité dans les publications de la Fédération, publications ad hoc du comité.
La FNEEQ promeut et participe activement aux activités en lien avec les Journées québécoises de solidarité internationale (JQSI) organisées par l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), avec l’appui du ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec. De nombreuses activités ont alors lieu dans les écoles, les cégeps, les universités, et le personnel enseignant y joue un rôle de premier plan.
On ne peut aujourd’hui ignorer l’influence des dynamiques mondiales sur l’ensemble de nos conditions de travail et de vie. Le milieu syndical ne peut rester indifférent au sort de millions de travailleuses et de travailleurs à travers le monde. En ce sens, la FNEEQ a historiquement assumé un leadership important à la CSN et dans d’autres organisations en matière de solidarité internationale.
(Jean Murdock, secrétaire général et trésorier de la FNEEQ-CSN de 2012 à 2017 et président de 2017 à 2018)
Des lieux d’engagement politique et solidaire
En 2001, la FNEEQ-CSN a officiellement joint les rangs de l’Internationale de l’éducation (IE), le secrétariat professionnel international associé à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Au sein de cette organisation, la FNEEQ a clairement établi sa position stratégique de fédération de l’enseignement supérieur. Fait à remarquer : plusieurs organisations affiliées à l’IE sont des organisations indépendantes, ce qui permet d’établir des liens avec des réseaux qui ne se fréquentent pas normalement. Cela offre une occasion de créer des contacts bilatéraux avec des organisations que l’on ne trouve pas ailleurs.
La FNEEQ joint sa voix à des milliers d’autres pour souligner annuellement la Journée mondiale des enseignantes et des enseignants le 5 octobre.
La FNEEQ, fédération la plus représentative en enseignement supérieur au Québec et qui regroupe la grande majorité des personnes chargées de cours, souhaitait défendre, valoriser et faire reconnaitre la contribution essentielle de ces milliers d’enseignantes et enseignants universitaires contractuels. Notre travail au sein de l’Internationale de l’Éducation (IE) a contribué à une meilleure compréhension de leurs conditions de travail et à plus de respect envers ces précaires de l’enseignement supérieur.
(Sylvain Marois, chargé de cours, université Laval, vice-président de la FNEEQ de 2012 à 2018)
Forums et missions à l’étranger
Conformément à ses orientations, la FNEEQ donne priorité à ceux qui visent l’enseignement supérieur et la défense de l’éducation publique plus particulièrement dans des pays membres de la francophonie. La FNEEQ favorise la participation de tout membre de la Fédération à plusieurs de ces évènements. C’est ainsi que des délégations ont pris part aux Forums sociaux à Montréal en 2016, à Tunis en 2013 dans la foulée du printemps arabe (29 personnes déléguées), à Dakar en 2011, à Belém en 2009, à Caracas en 2006 (forum polycentrique, quelque 45 personnes déléguées), à Mumbai en 2004, à Porto Alegre en 2002 et à Seattle en 1999. Des délégations aussi participé au Forum social en éducation à Ramallah en 2010, au premier Forum sur la mondialisation et l’éducation à Ramallah en 2004, au Sommet des peuples à Ottawa en 2014 et à Québec en 2001 ainsi qu’au forum éducation à Porto Alegre en 2001. Cette liste n’est pas exhaustive. Mais participer à des délégations n’est pas tout; le retour s’accompagne de rapports, de bilans et de conférences.
Nul n’est une île
Au sein de la CSN, la FNEEQ participe activement aux rencontres du collectif international, un comité consultatif qui réunit fédérations et conseils centraux. Ces réunions sont l’occasion d’échanger avec tous les organismes de la Confédération sur les questions internationales.
Au fil des ans, la Fédération a joué un rôle essentiel de sensibilisation et d’information auprès de ses syndicats locaux au sujet d’Alliance Syndicats et Tiers monde (ASTM), un fonds de la CSN qui soutient des dizaines de projets dans une vingtaine de pays. Il s’agit de projets de coopération au développement, de renforcement des capacités des organisations syndicales, de souveraineté alimentaire et de défense des droits. La Fédération aussi est membre du Centre international de solidarité ouvrière (CISO) et achemine régulièrement le bulletin d’information du CISO à ses membres.
La FNEEQ soutient les initiatives des établissements par l’octroi de dons pour des projets de coopération et de solidarité internationale impliquant notamment des groupes d’étudiantes et d’étudiants.
Les dons sont essentiels. Ils soutiennent concrètement l’engagement des enseignantes et des enseignants qui sortent des murs des classes pour donner une formation irremplaçable sur le terrain. À titre d’exemple, durant le mandat 2015-2018, la fédération a soutenu 111 projets en accordant près de 75 000$.
(Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ)
En collaboration avec d’autres organisations (comme le CISO), la Fédération offre une formation aux stagiaires étudiantes et étudiants et aux enseignantes et aux enseignants qui accompagnent ces groupes sur les enjeux du monde du travail et sur les droits syndicaux.
A Luta Continua!
L’évolution de l’action internationale à la FNEEQ illustre une volonté de poser des gestes concrets et de faire en sorte que les membres des syndicats locaux soient partie prenante de la vie internationale de la FNEEQ.
Je terminerai sur ces mots de Ronald Cameron: «Une fédération d’enseignants qui ne fait pas d’action internationale n’est pas à la hauteur des exigences contemporaines du syndicalisme!».
Solidarité d’abord
La grève étudiante de 2012
La grève étudiante de 2012 est la plus longue et la plus importante qu’ait connu le Québec depuis le premier mouvement de grève en 1958. Du 13 février au 7 septembre 2012, des dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants sont en grève dans presque tous les établissements d’enseignement supérieur. Le sommet de ce qui a été qualifié de «printemps érable» est atteint le 22 mars, alors que plus de 300 000 étudiantes et étudiants sont en grève et que près de 200 000 d’entre eux défilent dans les rues de Montréal. Les associations étudiantes protestent contre une hausse importante des frais de scolarité annoncée dans le budget de mars 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest, qui ferait passer les frais de scolarité de 2 168$ à 3 793$ en cinq ans.
Plusieurs organisations, personnalités ou simples citoyens ont appuyé les étudiantes et étudiants dans le conflit avec le gouvernement: Profs contre la hausse, Parents contre la hausse, sorties publiques de différentes personnalités, regroupement d’artistes, marches spontanées dans plusieurs villes du Québec après l’adoption du projet de loi 78, etc. De son côté, la FNEEQ, par sa représentativité en éducation supérieure et la tradition militante de la CSN (le 2e front), n’est pas en reste. Dès l’annonce de la hausse des droits de scolarité dans le budget présenté le 17 mars 2011 par le gouvernement libéral, la Fédération dénonce les impacts à prévoir sur la fréquentation scolaire et sur le profil socio-économique de celles et ceux qui auront désormais les moyens de fréquenter[89] les établissements d’enseignement supérieur.
Les étudiantes et étudiants prennent le reste de l’année pour s’organiser et les votes de grève débutent en février 2012[90]. Le mouvement étudiant est lancé et la Fédération emboite le pas, entre autres par la publication d’un numéro spécial de la revue Carnets en soutien à la cause étudiante. Sous la plume de son président Jean Trudelle, la Fédération confirme son soutien aux étudiants dans le conflit qui les oppose au gouvernement. La revue sera envoyée à toutes les associations syndicales affiliées à la FNEEQ, qui vont la faire circuler dans les établissements d’enseignement. Une place sera donnée dans la publication aux représentants des trois principales associations étudiantes, soit la FECQ, la CLASSE et la FEUQ[91].
Le 1er mars, la Fédération réclame le gel des frais de scolarité et des États généraux sur l’avenir des universités. La question du sous-financement des universités doit être étudiée sous un angle plus large que celui de la seule question du budget et doit inclure tous les acteurs du milieu de l’enseignement[92]. Le président de la Fédération va aussi donner un appui public au mouvement étudiant lors de nombreuses entrevues dans les médias, tant à la télé qu’à la radio. Le rôle de la FNEEQ ne se limite pas à dénoncer publiquement les décisions gouvernementales et déclarer son soutien à la cause étudiante. Sur le terrain, les salariés et les militants s’activent : participation aux manifestations, soutien logistique et financier aux associations étudiantes (service d’ordre, location d’autobus) et à d’autres groupes[93]. Les services d’un conseiller syndical sont aussi prêtés à quatre associations étudiantes collégiales non affiliées et du soutien juridique leur est offert gratuitement[94]. Au 30e Congrès de la FNEEQ qui se tient à la fin mai, un don de 30 000 $ est fait pour les fonds légaux du mouvement étudiant. Jean Trudelle, président sortant, souligne dans le rapport de la présidence le rôle important joué par la Fédération dans le conflit[95].
Un tournant: la judiciarisation du conflit
Le 30 mars 2012, une étudiante du Collège d’Alma s’adresse à la Cour supérieure pour demander une injonction du tribunal en vertu de son droit de poursuivre ses études et terminer sa scolarité dans les délais prévus[96]. La FNEEQ dénonce immédiatement la décision du juge Lemelin, tout comme la judiciarisation du conflit[97]. Le syndicat des professeurs et professeures s’inquiète quant à lui de l’impact de cette décision sur le climat au Collège. Le 3 avril, une seconde demande d’injonction est faite par un étudiant de l’Université Laval. C’est à ce moment que le terme de boycott apparait pour la première fois dans une décision, le juridique empruntant au politique un terme que le gouvernement avait commencé à utiliser[98]. Les médias le reprendront de plus en plus, malgré le refus des associations étudiantes, des syndicats, de nombreux autres groupes, incluant des juristes[99].
De la vingtaine de demandes d’injonctions déposées par des étudiantes et étudiants au mois d’avril, seule trois seront gagnées par les associations étudiantes, la plus marquante étant sans doute la décision du juge Marc-André Blanchard, qui reconnait la validité des arguments de l’association étudiante, allant même jusqu’à qualifier le droit à la liberté d’expression de « droit constitutionnel ou quasi-constitutionnel[100]». Cette décision ne sera pourtant pas reprise, les autres juges se rangeant aux arguments du juge Lemelin, qui refuse de reconnaitre la légalité du droit de grève des étudiants.
C’est toute la question des droits collectifs par rapport aux droits individuels qui se pose à travers ce changement de vocabulaire. Alors que, depuis les années 1960, on a toujours parlé de grève étudiante, on se met à utiliser le terme boycott, tant au plan politique que juridique[101]. Par le fait même, on remet en question la légitimité des processus démocratiques des associations étudiantes, l’objectif étant évidemment d’opérer un changement dans les perceptions et de renvoyer la question d’assister ou non à ses cours à un simple choix individuel, les conséquences de ne pas y assister reposant alors sur l’étudiante ou étudiant.
Pourtant, en dépit des nombreuses injonctions, les étudiantes et étudiants tiennent bon et la mobilisation se poursuit. Au Collège de Valleyfield, la direction tente de forcer la reprise des cours, tentative qui se solde par un échec complet, des centaines d’étudiants s’étant déplacés sur les lieux tôt le matin pour bloquer les entrées[102]. Du côté des enseignantes et enseignants, le gouvernement semble tenir pour acquis qu’ils vont simplement retourner enseigner à partir du moment où une injonction est émise ou que la direction d’un établissement annonce la reprise des cours[103]. La situation est pourtant loin d’être simple et soulève de nombreuses questions: comment donner ses cours dans le contexte où des étudiants font du piquetage et bloquent les entrées? Comment faire fi de la solidarité avec les étudiants? Comment franchir des piquets de grève en tant que syndicaliste? Enfin, question centrale s’il est en une: qu’en est-il de l’autonomie des enseignants? La FNEEQ et son président vont par ailleurs dénoncer la position du gouvernement et de certains collèges, en s’opposant fermement à briser la solidarité syndicale et en refusant que les professeurs soient mis devant des situations où leur santé et leur sécurité risquent d’être compromises[104]. Cette position est bien illustrée par l’attitude des professeurs du Collège de Valleyfield, qui refusent d’entrer dans l’établissement malgré l’annonce de la reprise des cours par la direction.
Alors que les votes de grève sont reconduits dans les établissements et que le conflit se prolonge, on s’inquiète de plus en plus des modalités entourant le retour au travail. Chaque semaine, les conseillers de la FNEEQ font la tournée des assemblées des syndicats de professeurs pour leur présenter les hypothèses de reprise des cours dans le cas où les étudiants mettent fin à la grève. Tout est à refaire en prévision de la prochaine assemblée, le calendrier de retour en classe étant différent d’une semaine à l’autre. Depuis le début du conflit, la grève est le principal sujet des relations de travail. Les conseillers de la FNEEQ ont par ailleurs mis beaucoup de temps et d’énergie à aller plaider, en soutien aux associations étudiantes, les demandes d’injonctions déposées au mois d’avril[105]. L’adoption de la loi 12 (ou projet de loi 178) le 18 mai oblige le retour en classe et limite le droit de manifester. La réaction citoyenne sera forte, tout comme celle des étudiants et des centrales syndicales[106]. Devant ce mouvement de protestation populaire, «aucune contravention, aucune arrestation ni aucune amende n’a été émise en vertu de la loi 78», si l’on se fie au porte-parole de la CLASSE[107].
Forcés de retourner en classe, les membres des syndicats vont voter des résolutions qui soulignent l’importance de leur droit de travailler dans des conditions de travail sécuritaires, propices à l’enseignement. Les salariées et salariés de la FNEEQ, quant à eux, s’affairent à négocier les protocoles de retour au travail. Deux ententes sont négociées dans les cégeps. Du côté des universités, les protocoles de retour au travail sont négociés établissement par établissement.
Conclusion
La grève étudiante de 2012 a marqué la FNEEQ à bien des égards. Non seulement la FNEEQ a-t-elle répondu présente à toutes les occasions pour appuyer publiquement les étudiantes et étudiants, mais il importe de souligner aussi l’implication de son équipe de salariés. Les conseillers et les employées de bureau ont participé aux grèves, aux mobilisations, à la défense des associations étudiantes lors des demandes d’injonction. Les enseignantes et enseignants ont quant à eux soutenu les étudiants dans leurs demandes, en émettant des communiqués, en participant aux actions et, surtout, en refusant de franchir les piquets de grève, certains allant même rejoindre la masse étudiante. Enfin, s’il y a un point positif à retenir de ce conflit, au-delà de la solidarité de la FNEEQ avec les étudiants, c’est le renouvellement des effectifs syndicaux par l’arrivée d’une nouvelle génération socialement impliquée, particulièrement dans le mouvement Profs contre la hausse[108].
- ↑ «Porter le flambeau!», Procès-verbal du 31e Congrès FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 5.
- ↑ «Porter le flambeau!», Procès-verbal du 31e Congrès de la FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 5.
- ↑ «J’enseigne… changeons le monde!», Procès-verbal du 25e Congrès FNEEQ, juin 2000, rapport des activités de la fédération, p. 10-11.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Ronald Cameron le 29 avril 2019.
- ↑ «Porter le flambeau!», Procès-verbal du 31e Congrès de la FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 4.
- ↑ «Réorganiser le travail», FNEEQ actualité, vol. 11, no 2, juin 1997, p. 13.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Pierre Patry le 27 mai 2019.
- ↑ Comité école et société, «une autre réforme en éducation», FNEEQ actualité, vol. 11, no 1, mars 1997, p. 4.
- ↑ Mot du comité exécutif, Procès-verbal du 24e Congrès de la FNEEQ, juin 2000, p. 84.
- ↑ Comité école et société, «La défense de l’enseignement collégial», FNEEQ actualité, vol. 11, no 2, juin 1997, p. 8.
- ↑ France Desaulniers, «Les juges unanimes à déclarer la loi 111 inconstitutionnelle», Carnets, no 1, p. 13.
- ↑ L’internationale de l’éducation (IE) regroupe 32 millions d’employées et employés de l’éducation réunis dans 391 organisations réparties dans 179 pays et territoires à travers le monde. [ei-ie.org/ fr/detailpage/4350/a-pro- pos-de-lie].
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Laval Rioux le 29 mai 2019.
- ↑ France Desaulniers, «L’éducation face à la mondialisation», Carnets, vol. 1, no 2, juin 2001.
- ↑ Pierre Patry, «extraits du mot de bienvenue de Pierre Patry», Carnets, vol. 1, no 2, juin 2001, p. 11.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Denis Choinière le 14 mai 2019.
- ↑ Micheline Thibodeau, «Le sous-financement a assez duré: investissons dans le réseau des cégeps!», Carnet collégial, no 1, mars 2007, p. 11.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Daniel Mary le 12 avril 2019.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Caroline Senneville le 14 juin 2019.
- ↑ «Porter le flambeau!», Procès-verbal du 31e Congrès FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 4.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», Procès-verbal du 32e Congrès FNEEQ, mai 2018, rapport des activités 2015-2018, p. 11.
- ↑ Marie-Hélène Alarie, «Pour des solutions concrètes en enseignement supérieur», collaboration spéciale Le Devoir, 25 aout 2018.
- ↑ «Porter le flambeau!», Procès-verbal du 31e Congrès FNEEQ, mai 2015, Bilan des services, p. 7.
- ↑ entrevue accordée à Jacques Gauthier par Guy Beaulieu le 27 mars 2019.
- ↑ «Une profession engagée», Procès-verbal du 27e Congrès FNEEQ, juin 2006, Bilan du regroupement cégep, p. 1.
- ↑ «État des effectifs étudiants à la rentrée automne 2015-2016», carnets collégial, no 18, septembre 2015, p. 11.
- ↑ Nicole Lefebvre, «Échos des regroupements», Carnets 34, automne 2016, p. 9.
- ↑ Nicole Lefebvre, «Échos des regroupements», Carnets 36, automne 2017, p. 18.
- ↑ «Choisir l’éducation», 24e congrès FNEEQ, juin 1997, Annexe 10, rapport-bilan du regroupement université, p. 6-7.
- ↑ «J’enseigne… changeons le monde!», Procès-verbal du 25e Congrès FNEEQ, juin 2000, annexe 7, rapport des activités de la fédération, p.28.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», Procès-verbal du 32e Congrès FNEEQ, mai 2018, rapport de l’exécutif, p. 16-17.
- ↑ Sylvain Marois, «Échos des regroupements », Carnets 34, automne 2016, p. 8.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», Procès-verbal du 32e Congrès FNEEQ, mai 2018, rapport de l’exécutif, p. 16-17.
- ↑ Un établissement offre des cours du préscolaire jusqu’au collégial; deux, des cours de niveaux secondaire et collégial; un n’offre que le primaire; onze, le secondaire seulement; deux, le collégial seulement dont un se limite au collégial technique; un se retrouve dans le secteur universitaire. Il y a également une école de conduite automobile, deux écoles spécialisées en enfance inadaptée et enfin une école de musique.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Caroline Quesnel le 31 mai 2019.
- ↑ «Historique de la position FNEEQ sur les établissements privés», 31e congrès FNEEQ, 26-29 mai 2015, p. 5.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Jean Trudelle le 31 mai 2019.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Jean Pouliot le 9 avril 2019.
- ↑ Loc. cit.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Caroline Quesnel le 31 mai 2019.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», procès-verbal du 32e congrès FNEEQ, mai 2018, rapport de l’exécutif, p. 16-17.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», Procès-verbal du 32e Congrès FNEEQ, mai 2018, Bilan regroupement privé, p. 7.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», Procès-verbal du 32e Congrès FNEEQ, mai 2018, Bilan regroupé.
- ↑ «Choisir l’éducation», Procès-verbal du 24e Congrès FNEEQ, juin 1997, annexe 14, rapport-bilan des services 1995-1997, p. 8
- ↑ «Choisir l’éducation», Procès-verbal du 24e Congrès FNEEQ, juin 1997, annexe 12, rapport-bilan du regroupement cégep, p. 3.
- ↑ «Choisir l’éducation», Procès-verbal du 24e Congrès FNEEQ, juin 1997, Bilan du regroupement cégep, p. 3-4.
- ↑ Pierre Patry, «La négociation dans le secteur public», FNEEQ actualité, vol. 11, no 2, juin 1997, p. 18.
- ↑ Marie-Claire Chouinard, Denise Trudeau, «La loi 104, non merci», FNEEQ actualité, vol. 11, no 2, juin 1997, p. 19.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Flavie Achard le 5 juin 2019.
- ↑ «J’enseigne… changeons le monde!», Procès-verbal du 25e Congrès FNEEQ, Bilan du comité femmes, p. 7.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Pierre Patry le 27 mai 2019.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Ronald Cameron le 29 avril 2019.
- ↑ «L’éducation… pour agir!», Procès-verbal du 26e Congrès FNEEQ, mai 2003, rapport des activités de la fédération, p. 9-10.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Pierre Patry le 27 mai 2019.
- ↑ Ronald Cameron, «Les limites du syndicalisme indépendant», Carnets, no 12, hiver 2005, p. 15.
- ↑ «Une profession engagée», Procès-verbal du 27e Congrès FNEEQ, juin 2006, rapport du comité exécutif de la FNEEQ, p. 114.
- ↑ Entrevue accordée à Jacques Gauthier par Jean Trudelle le 31 mai 2019.
- ↑ Micheline Thibodeau, «Les négociations du secteur public», Carnets, no 20, printemps 2009, p. 3.
- ↑ «Élargir l'horizon des possibles», procès-verbal, 32e congrès FNEEQ, mai 2018, rapport du comité exécutif, p. 19.
- ↑ «L'éducation pour agir!», procès-verbal, 26e congrès FNEEQ, mai 2003, rapport des activités de la fédération, p. 14.
- ↑ «L’éducation pour agir!», procès-verbal, 26e congrès FNEEQ, mai 2003, rapport des activités de la fédération.
- ↑ «Choisir l'éducation», procès-verbal, 24e congrès FNEEQ, juin 1997, rapport bilan du regroupement université, p. 3.
- ↑ «L’éducation… pour agir!», procès-verbal, 26e congrès FNEEQ, mai 2003, Bilan du regroupement université, p.3-4.
- ↑ Claire Tremblay, «un mode singulier, des résultats probants», Carnets, no 20, printemps 2009, p. 11.
- ↑ «Les chargé-es de cours de l’Université de Montréal: on a eu raison de faire la grève», Carnets, no 23, automne 2010, p. 8 .
- ↑ Sylvain Marois, «Échos des regroupements», Carnets, no 36, automne 2017, p. 19.
- ↑ Sylvain Marois, «Échos des regroupements», Carnets, no 33, printemps 2016, p. 6.
- ↑ Sylvain Marois, «Échos des regroupements», Carnets, no 36, automne 2017, p. 19.
- ↑ Communiqué de presse FNEEQ, publié sur le site Web de la fédération: https://fneeq.qc.ca/fr/ la-greve-a-la-teluq-prend- fin/.
- ↑ «Élargir l’horizon des possibles», procès-verbal, 32e congrès FNEEQ, mai 2018, Bilan du regroupement privé, p. 26.
- ↑ «Choisir l'éducation», procès-verbal, 24e congrès FNEEQ, juin 1997, rapport bilan du regroupement privé, Annexe 11, p. 12.
- ↑ «Choisir l’éducation», procès-verbal, 24e congrès FNEEQ, juin 1997, Bilan des services 1995-1997, p. 7.
- ↑ Denise Trudeau, Pierre Lachance, « Dernières nouvelles», FNEEQ actualité, vol. 10, no 3, octobre 1996, p. 27.
- ↑ «J’enseigne… changeons le monde!», procès-verbal, 25e congrès FNEEQ, juin 2000, rapport bilan du regroupement privé, p. 7.
- ↑ «L’éducation pour agir!», procès-verbal, 26e congrès FNEEQ, mai 2003, rapport des activités de la fédération, p.19-20.
- ↑ «L’éducation pour agir!», procès-verbal, 26e congrès FNEEQ, mai 2003, rapport des activités de la fédération, p.19-20.
- ↑ Caroline Senneville, «Des objectifs communs de négociation», Carnets, no 23, automne 2010, p. 3.
- ↑ Caroline Quesnel, «Échos des regroupements», Carnets, no 33, printemps 2016, p. 7.
- ↑ Caroline Quesnel, «Échos des regroupements», Carnets, no 34, automne 2016, p. 9.
- ↑ Léandre Lapointe, «Échos des regroupements», Carnets, no 36, automne 2017, p. 19.
- ↑ Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, Rapport Parent, Tome II Les structures pédagogiques du système scolaire, 1963, alinéa 294.
- ↑ Loc. cit.
- ↑ Résolution prise par le regroupement cégep les 22 et 23 octobre 1998.
- ↑ CPNC: Comité patronal de négociation des collèges; FEC-CSQ: Fédération des enseignantes et enseignants de cégep; FAC: Fédération autonome du collégial, dissoute en 2009.
- ↑ Font partie du regroupement université la majorité des syndicats de chargées et chargés de cours du Québec ainsi que le Syndicat des tuteurs et tutrices de la télé-université et l’Association des maîtres d’enseignement de l’ÉTS.
- ↑ Le texte du protocole est repris d’une année à l’autre. On peut consulter celui de la ronde 2016-2019 en accédant à ce lien: https://fneeq.qc.ca/wp-content/uploads/Universite-Entente-mai-2016-pour-web-1.pdf?highlight=mai%202016.
- ↑ Regroupement université, Bilan et perspective, juin 2002, p. 43.
- ↑ Regroupement université, Bilan et perspectives, 2002, p. 22.
- ↑ «Bienvenue l’élitisme!», FNEEQ, [en ligne], 18 mars 2011, https://fneeq.qc.ca/fr/comm-003-164/.
- ↑ C’est le 7 février 2012, au Collège de Valleyfield, que le premier mandat de grève illimité est voté.
- ↑ «Le mouvement étudiant a raison», Carnets, édition spéciale, no 26, février 2012.
- ↑ «Solidaire de la lutte des étudiantes et des étudiants», FNEEQ, [en ligne], 1er mars 2012, https://fneeq.qc.ca/fr/comm-001-956/.
- ↑ Il importe de souligner l’appui important de l’équipe de salariés et d’élus du conseil central du Montréal métropolitain en matière de soutien logistique pendant cette période.
- ↑ Les associations étudiantes sont celles des cégeps de l’Outaouais, de Terrebonne, de Sherbrooke et de Montmorency.
- ↑ «Rapport des activités de la présidence: mandat 2009-2012 », FNEEQ, [en ligne], p. 10, https://fneeq.qc.ca/wp-content/uploads/2-Rapport-des-activites-de-la-federation.pdf.
- ↑ Déry c. Duchesne, 30 mars 2012, 2012 QccS1563, décision du juge Jean Lemelin.
- ↑ «La FNEEQ dénonce la judiciarisation du débat» FNEEQ, [en ligne], 30 mars 2012, https://fneeq.qc.ca/fr/comm-001-163/.
- ↑ Morasse c. Université Laval, 18 avril 2012, 2012QccS 1565
- ↑ Association des juristes progressistes, [en ligne], http://www.ajpquebec.org/la-greve-etudiante-nest-pas-un-simple-boycott-historique-et-perspectives/.
- ↑ Beausoleil c. Cégep régional de Lanaudière, 23 avril 2012, 2012 QccS 1673, décision du juge Marc-André Blanchard. Le procureur de l’association étudiante est Jonathan Leblanc, conseiller syndical à la FNEEQ.
- ↑ En 2005, alors que le conflit entre les étudiants et le gouvernement portait sur le régime de prêts et bourses, on parlait de grève étudiante. L’utilisation du terme boycott est spécifique au conflit de 2012.
- ↑ «Le collège de Valleyfield capitule devant les étudiants en grève», Radio-Canada, [en ligne], 12 avril 2012, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/557257/greve-boycott-etudiants.
- ↑ Émilie Bilodeau, «les enseignants invités à franchir les piquets de grève», La Presse, [en ligne], 18 février 2012 https://www.lapresse.ca/actualites/education/201202/17/01-4497345-les-enseignants-invites-a-franchir-les-piquets-de-greve.php.
- ↑ «Communiqué du 16 avril 2012», FNEEQ, [en ligne], https://fneeq.qc.ca/fr/comm-004-440/.
- ↑ Une vingtaine de demandes d’injonction ont été déposées au mois d’avril.
- ↑ La grève étudiante de 2012 est la première grève qui fait l’objet d’une loi spéciale au Québec.
- ↑ Gabriel Nadeau-Dubois, Tenir tête, Montréal, lux éditeur, 2013, p. 224.
- ↑ Plus de 1 600 professeurs ont signé le manifeste des Profs contre la hausse publié dans les pages du journal Le Devoir le 12 mars 2012: https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/345039/nous-sommes-tous-etudiants-manifeste-des-professeurs-contre-la-hausse.