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Lutte pour la reconnaissance 1995-2019

De FNEEQ - 50 ans à faire école par nos luttes

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La FNEEQ est aujourd’hui une fédération en santé et ce n’est pas à grâce au gouverne­ment et aux administrations locales qui ont tout tenté, surtout depuis les années 1980, pour déstabiliser les organisations syndicales et démoraliser les enseignantes et les enseignants. L’organisation a tenu le coup dans la tempête, ses militantes et ses militants se sont retroussé les manches et ont trouvé les parades et les solutions.

De la résilience, la FNEEQ en a. Elle a connu plus que sa part d’attaques et d’incompréhension. La philosophie néolibérale qui a déferlé sur l’Occident dans les années 1980 n’a pas épargné le Québec et a charmé ses élites financières et ses gouvernements. L’éducation, comme d’autres secteurs sous responsabilité publique, en a largement fait les frais : compressions dans les budgets, précarisation de l’emploi, privatisation des programmes. La Fédération n’a pas cédé et a sans cesse défendu la cause de l’éducation accessible pour toutes et tous, partout sur le territoire.

La fédération

Les syndicats d’enseignantes et d’enseignants sont aux prises avec des administrations et des gouvernements qui rêvent d’entreprises privées et de contrôle. Ils agissent pour enlever tout moyen d’action aux syndicats. Leur gestion est de plus en plus opaque: insatisfaits des résultats obtenus à la régulière, ils utilisent les moyens de répression de l’État; lois spéciales, décrets. Les désaffiliations de 1989 ainsi que l’assurance avec laquelle ils imposent ou tentent d’imposer de nouvelles règles : tout semble concourir à une démobilisation syndicale ou tout au moins à un affaiblissement.

Ce n’est pas le cas. Malgré les embuches et les discours creux, les syndicats et la Fédération s’organisent, s’adaptent aux nouvelles réalités et acceptent la lutte, mais sur un terrain syndical. L’organisation évolue et leurs revendications sont porteuses: ils vont se battre pour le respect et la reconnaissance de leur rôle dans l’enseignement et dans la société. À la FNEEQ, le deuxième front n’est jamais loin.

Les attaques au système d’éducation se multiplient et depuis longtemps. La qualité de l’enseignement et la reconnaissance de la profession sont sous une menace constante. La FNEEQ se bat sur les deux fronts. Que le gouvernement soit libéral ou péquiste, elle dénonce la politique de l’État.

[…] il faut insister sur l’interminable succession de compressions budgétaires imposées par les gouvernements libéral et péquiste au cours des dernières années qui a attaqué durement le monde de l’éducation. Chaque regroupement de la FNEEQ en a subi les contrecoups: coupures dans les services directs aux étudiants dans les cégeps et les universités, abolition de charges de cours et de cours dans les universités, pertes d’emplois et fermetures de collèges au secteur privé. La FNEEQ a, maintes fois, dénoncé l’obsession gouvernementale d’atteindre le déficit zéro, elle s’est prononcée contre les politiques d’austérité et le démantèlement des services publics[1].

La Fédération dénonce aussi une forme de répression qui se manifeste de manière insidieuse au-delà des mesures d’austérité par la judiciarisation des relations de travail, mais aussi de la contestation sociale: règlements municipaux pour limiter la liberté d’expression, recours au devoir de loyauté pour museler les travailleuses et les travailleurs, dont les enseignantes et les enseignants.

À la FNEEQ les exemples sont éloquents : la suspension du président du Syndicat des enseignantes et des enseignants du cégep Lévis Lauzon pour son travail syndical, la suspension des deux enseignants du cégep d’Alma pour leurs propos concernant leurs inquiétudes sur le climat de travail, l’escalade de la répression à l’UQAM engendrée par l’attitude de l’administration ou la requête du CPNC [Comité patronal de négociation des collèges] auprès de la Commission des relations du travail qui a mené aux remontrances et aux mesures disciplinaires contre plusieurs de nos camarades pour leur participation à la grève sociale du 1er mai[2].

Une belle victoire cependant: à la même époque, l’École de musique Sainte-Croix, propriété des sœurs de Sainte-Croix et opérant à l’intérieur du Cégep de Saint-Laurent, menace de fermer. Il y a 55 enseignantes et enseignants impliqués, surtout des femmes. L’école veut passer au secteur public. Si on applique strictement les règles d’intégration du collégial public, seulement une quinzaine de professeures et de professeurs peuvent sauver leur emploi, ce qui signifie la fin de l’École telle qu’elle est. La négociation se poursuit pendant cinq mois et les 55 emplois sont finalement sauvés. Une belle bataille de la Fédération.

Enfin, la Fédération de enseignants de cégep FEC) et la Fédération autonome du collégial (FAC) discutent de la possibilité de fusionner[3].

Affaiblie par les départs en 1989 alors qu’elle se retrouve avec 17 000 membres et 54 syndicats, la Fédération se refait graduellement une santé et aujourd’hui, 30 ans plus tard, elle fédère plus de 34 000 membres et 100 syndicats.

L’enseignement en 1995 n’est pas présenté comme une profession d’avenir. On vante l’importance de l’éducation, mais on dénigre les personnes qui la dispensent quotidiennement. Les gains réalisés en négociation sont continuellement remis en cause, que ce soit l’autonomie pédagogique, la lutte à la précarité, la réduction de la tâche ou les salaires.

Ronald Cameron, qui arrive au comité exécutif en 2000, voit ainsi la situation : « La FNEEQ doit rompre avec le traumatisme de 1989 et réaffirmer son autonomie. Nous sommes une fédération autonome et solidaire de l’ensemble de la classe ouvrière. Sur la planète entière, il y a très peu de fédérations d’enseignants affiliées à une centrale ouvrière, c’est surtout très rare dans l’enseignement supérieur. Or cette appartenance est dans l’acte de naissance de la FNEEQ: autonomie et solidarité. La création de la FAC a forcé la FNEEQ à réfléchir à nouveau sur sa place dans une centrale ouvrière. Et elle a réaffirmé son acte de naissance. La CSN a joué un rôle majeur dans l’évolution du syndicalisme enseignant; elle a toujours résisté aux attaques gouvernementales contre les services publics[4]. »

Les états généraux de L’éducation et le sommet socio-économique

En 1995, le gouvernement convoque les États généraux de l’éducation. Les relations des syndicats avec le gouvernement péquiste ne sont pas très bonnes. L’austérité et son pendant, le déficit zéro, font mal. Le discours du gouvernement est axé sur la réussite et la performance, du préscolaire à l’université, mais en réalité sa préoccupation principale est de diminuer les couts du système, d’en arriver au déficit zéro.

Malgré toutes leur réticence, les syndicats de la FNEEQ y participent. Ils sont méfiants, mais ne peuvent rester à l’écart. Ils revendiquent depuis longtemps une discussion de fond sur l’éducation au Québec et toutes les tribunes doivent être utilisées. Durant ces États généraux, la Fédération maintient la nécessité d’investir en éducation:

Nos choix syndicaux pour l’éducation passent plutôt par l’articulation d’un financement adéquat avec l’ensemble des besoins de formation. Ils passent par le développement d’une politique nationale de l’éducation qui touche tous les ordres d’enseignement, intégrant l’harmonisation et le principe de formation continue. Ils nécessitent de tisser des liens opérationnels avec les milieux de travail en matière de formation professionnelle et technique. Ils passent surtout par la valorisation de la profession enseignante et la participation réelle des enseignantes et enseignants aux mécanismes de décision touchant l’éducation[5].

L’impact réel de ces États généraux est plus médiatique que pratique. Ils servent à préparer le secteur de l’éducation au Sommet socio-économique qui suit et qui doit définir les limites du cadre budgétaire que le gouvernement veut respecter. C’est le déficit zéro, de nouvelles compressions, des mises à la retraite anticipée et plus de privatisation de services publics.

La FNEEQ et la CSN ont une autre vision. Les difficultés économiques devraient plutôt être l’occasion d’une réorganisation du travail, une occasion d’introduire les personnels dans les processus de décision, autant dans les établissements d’enseignement que dans les entreprises. Une telle lutte serait favorable aux travailleuses et travailleurs précaires, dont les chargées et chargés de cours à l’université.

Il est évident que pour les chargé-es de cours comme pour d’autres personnes à statut précaire dans la société, la perspective d’une réorganisation du travail apparaît comme une ouverture vers quelque chose de mieux dans un monde du travail par ailleurs fermé[6] […].

Les universités sont sous la loupe du gouvernement. Répondent-elles aux besoins de la société (comprendre des entreprises) ? Le système d’enseignement au Québec a atteint un niveau de performance reconnu. Les cégeps y sont pour beaucoup et la formation technique y a grandement contribué. Elle s'attribue une des missions traditionnelles de l’université, celle de former des travailleuses et des travailleurs de haut niveau.

Dans un contexte de remise en cause de l’université, les attentes sont grandes pour la reconnaissance des chargées et chargés de cours. Ils se sont mis en évidence lors des États généraux et ont vigoureusement plaidé leur cause. Certes les conditions de travail s’améliorent continuellement, mais il y a toujours un hic : quelle est leur place dans l’université ? Cette quête devient leur dossier principal.

Pierre Patry est de retour sur le comité exécutif de la Fédération en 1995 et confirme son avancée: « Les [chargées et chargés] de cours, soutenus par la Fédération, ont profité des États généraux pour défendre leur position d’une meilleure intégration au sein de l’université. Les professeurs sont reconnus, ont leur place dans la structure alors que les [chargées et chargés] de cours ne se retrouvent nulle part; comme s’ils ne font que donner leurs cours et retourner chez eux[7] ».

La ministre Marois rend publique sa politique de l’éducation au début de 1997, sous l’intitulé Prendre le virage du succès. Elle annonce alors « d’importants bouleversements dans les façons de faire, une nouvelle répartition des pouvoirs et une modification de nos habitudes[8] ». On serait porté à rectifier ainsi: « que du nouveau pour le système d’éducation! »

Peut-on mettre en place une nouvelle réforme tout en imposant des compressions budgétaires et des coupures? Oui, si la réforme se limite à comprimer et à réduire encore. La Fédération, en tout cas, ne voit pas trop comment le gouvernement pourra réussir.

De 1994 à 1999, les universités se sont vu amputer de 450 millions de dollars et les cégeps de 250 millions, ce qui constitue environ 25 % des budgets de ces établissements. Les établissements d’enseignement privé subissaient des compressions équivalentes à celles effectuées dans le secteur public. Les coupures en éducation ont été, toute proportion gardée, plus importantes que celles effectuées dans la santé. Alors que les dépenses en éducation représentaient 24 % du budget du Québec, les compressions en éducation ont représenté 29 % du total des coupures[9].

La ministre Marois cherche à briser le tronc commun de formation et favorise un enseignement technique « allégé » qui réponde plus directement aux besoins des entreprises. La FNEEQ défend un enseignement collégial de qualité égale partout, comme le voulait le rapport Parent il y a plus de 40 ans.

La force des programmes techniques, leur reconnaissance par les employeurs, leur attrait auprès des jeunes tiennent à la qualité d’une formation générale et polyvalente qui associe un fond culturel commun à un champ de spécialisation assurant une réelle insertion professionnelle. C’est là le véritable défi de l’arrimage de la formation générale et de la formation technique[10].

Le regroupement cégep s’engage à fond dans la campagne visant à contrer une décentralisation majeure des responsabilités de l’enseignement collégial, qui mettrait en péril l’avenir du réseau. Il s’engage de plain-pied dans la bataille contre l’habilitation des collèges à décerner le diplôme d’études collégiales (DEC).

Le regroupement cégep s’engage à fond dans la campagne visant à contrer une décentralisation majeure des responsabilités de l’enseignement collégial, qui mettrait en péril l’avenir du réseau. Il s’engage de plain-pied dans la bataille contre l’habilitation des collèges à décerner le diplôme d’études collégiales (DEC).

En 1999, la question du classement de l’enseignement collégial revient sur la table: dans un mémoire sur la formation du personnel enseignant au collégial, la Fédération affirme à nouveau que les enseignantes et les enseignants du collégial constituent une catégorie distincte de celle du personnel enseignant du primaire et du secondaire et affirme qu’ils font partie de l’enseignement supérieur.

Sur le plan de l’organisation, au lendemain de la négociation de 2000 et au regard des résultats, la FNEEQ relance la FAC et l’invite à débattre de l’unité des forces syndicales. La FAC refuse parce que la FNEEQ est membre d’une centrale syndicale. Mais de l’aveu même de la FAC, cette question d’unité provoque de nombreux débats dans ses instances.

La loi 111 jugée inconstitutionnelle

En décembre 2000, les trois juges de la Cour d’appel, le plus haut tribunal du Québec, déclarent à l’unanimité la loi 111 inconstitutionnelle :

Les salarié-es ayant déposé des griefs concernant les pertes subies en vertu de cette loi pourront donc réclamer les pertes encourues avec intérêt. Adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en février 1983, la Loi 111 visait à assurer la reprise des services dans les collèges et écoles du secteur public. La loi mettait fin aux grèves et obligeait les salarié-es à travailler selon les conditions prescrites par les Lois 70 et 105. Ces dernières, promulguées en juin 1982, déterminaient les conditions de travail et de rémunération des enseignantes et enseignants du secteur public du 1erjanvier 1983 au 31 décembre 1985. Près de 30000 plaintes pénales avaient été déposées par le gouvernement, mais la Cour suprême du Canada déclarait lesdites lois inconstitutionnelles en février 1990.

L’inconstitutionnalité de la Loi 111 signifie l’acquittement de quelque 8000 membres de la FNEEQ et évite à la FNEEQ et à la CSN de payer des amendes qui auraient pu varier de 1,5 million à 14 millions de dollars[11].

L’internationale de l’éducation

La FNEEQ adhère à l’Internationale de l’Éducation (IE)[12] en 2000. Elle s’implique au comité éducation supérieure, où elle est un incontournable, selon Laval Rioux[13]. Elle s’était déjà engagée au Congrès de 1997 à développer des axes d’intervention à l’international, dont une affiliation à la Confédération des éducateurs américains (CEA). La FNEEQ participe de manière assidue aux instances de ces organisations, congrès, colloques, actions.

La présence de la Fédération à l’IE l’a mise en lien avec les syndicats canadiens et américains. Ils sont jaloux des conditions de travail que les chargées et chargés de cours québécois ont obtenues.

En 2001, autour du Sommet des Amériques qui se tient à Québec en avril, la FNEEQ réunit plus de 300 personnes dans un colloque sur l’éducation et la mondialisation[14].

Les effets de la mondialisation sur l’éducation sont peut-être moins apparents que dans d’autres secteurs d’activités, mais ils sont tout aussi pernicieux et dommageables pour l’ensemble de la population. L’éducation est essentielle au développement de la démocratie, il importe de contrer le principal danger qui la guette, soit une vision utilitariste qui compromet l’objectif de formation de citoyennes et de citoyens libres et actifs[15].

Carmen Quintana

La solidarité internationale fait partie de l’ADN du mouvement syndical. Denis Choinière nous raconte un moment émouvant vécu lors d’un conseil de la Fédération des affaires sociales, aujourd’hui FSSS-CSN, au début des années 2000, où il accompagne Carmen Quintana. Pour mémoire, en 1986, au Chili, cette étudiante de 18 ans manifeste dans un quartier populaire contre le régime Pinochet en compagnie d’un ami photographe, Rodrigo Rojas, 19 ans, de retour d’exil des États-Unis et ayant vécu quatre ans au Québec. Durant la manifestation, ils sont pris à partie par une patrouille militaire, aspergés d’essence et brulés vifs puis laissés pour morts dans un champ. Des paysans les trouvent et les transportent à l’hôpital. Le photographe décède alors que Carmen survit avec des brulures au troisième degré sur plus de 60 % du corps. Elle sera soignée à Montréal : « La FAS manquait de temps à l’horaire et se montrait réticente à ce que Quintana s’adresse au conseil sur une question de privilège. Nous avons insisté et on nous a finalement alloué quatre minutes. Après 15 ou 20 minutes, Quintana parlait toujours, la traduction simultanée avait cessé, c’était en espagnol seulement, les gens écoutaient comme jamais même si la plupart ne comprenaient pas ce qu’elle disait, plusieurs pleuraient. On a fait une collecte et on a récolté près de 50000 $ d’un coup. Pour moi, ce fut un moment de solidarité exceptionnel[16]. » Des années plus tard, en 2019, un juge chilien condamne six militaires pour ces actes atroces.

Le réseau collégial à nouveau menacé

Dès juin 2003, le nouveau gouvernement libéral annonce son intention de procéder rapidement à la réorganisation, la réingénierie, de l’État québécois. Axée principalement sur une remise en question du rôle de l’État et des services publics et de fortes réductions d’impôts, cette réorganisation ne peut qu’entrainer une remise en question du système éducatif. Dans la mire du gouvernement se trouve le réseau collégial. La Fédération des commissions scolaires du Québec propose même d’abolir le réseau collégial et de partager sa dépouille avec l’université. Dès lors, la FNEEQ annonce qu’elle sera de tous les rendez-vous pour défendre le réseau.

Cette suggestion d’abolition allait très loin, probablement beaucoup plus que ce que le ministre de l’Éducation d’alors, Pierre Reid, avait en tête. Les universités, au début plus ou moins réceptives à l’idée, allaient au bout de quelques mois commencer à y trouver un intérêt. Le ministre quant à lui n’a rien fait pour calmer le jeu, lorsqu’il a annoncé qu’au Forum sur l’avenir de l’enseignement collégial, tenu au printemps 2004, tout serait sur la table.

La Coalition-cégeps, mise sur pied en octobre 2003, regroupe les associations étudiantes, les parents et l’ensemble des personnels à l’œuvre quotidiennement dans les cégeps. Elle réaffirme que le réseau collégial tel qu’il a été créé favorise l’accessibilité aux études supérieures : le cégep est un acquis pour tous les jeunes et tous les adultes partout au Québec. La création des cégeps a permis le développement d’une société plus démocratique, plus ouverte sur le monde et mieux adaptée aux changements en cours.

Arrive le forum, voulu par le ministre Reid, sur l’avenir des cégeps. Surprise : les enseignantes et les enseignants ne sont pas invités. Le forum sera l’affaire des directions et des conseils d’administration. On reste entre gens bien. La Coalition et le regroupement cégep organisent la riposte, investissent le Forum par toutes les ouvertures possibles et tiennent un contre-forum sur les Plaines d’Abraham, où 2000 personnes se questionnent sur le bienfondé des réformes envisagées.

Ce branlebas semble fonctionner. Les orientations ministérielles promises pour la fin de l’été 2004 n’arrivent qu’en début 2005. Le loup est devenu agneau : il laisse intactes les fondations du réseau collégial et reconnait l’importance de la formation générale pour tous.

Mais l’hydre néolibérale a la vie dure. En 2006, les Lucides font surface. Ils revendiquent moins d’intervention de l’État, une plus grande présence du secteur privé, plus de productivité et un système d’éducation au service de l’entreprise. Selon eux, on travaille mieux et plus au privé. La FNEEQ n’a pas l’intention de rester les bras croisés devant ces pyromanes qui tentent de mettre le feu aux services publics. La Coalition-cégeps se réunit à Québec à la fin de novembre et fait le point sur le sous-financement du réseau collégial :

Les investissements dans les cégeps, annoncés en décembre dernier par le gouvernement du Québec, étaient de l’ordre de 20 millions de dollars par année. Cela ne représente que 25 % des nouvelles sommes consenties en enseignement supérieur, alors que la dépense courante de l’État pour les cégeps représente 40 % de l’ensemble des dépenses pour le même secteur. Par ailleurs, nous sommes bien loin des 300 millions de dollars estimés par la Fédération des cégeps pour retrouver le niveau de financement du milieu des années 90, et encore plus loin de ce qui serait nécessaire pour permettre au réseau un développement répondant aux défis du nouveau siècle[17] !

Un dossier sur la table depuis longtemps trouve un dénouement en 2006: les syndicats de la fonction publique et parapublique et le gouvernement s’entendent sur l’équité salariale. Plus de 30000 travailleuses sont concernées, un règlement estimé à plus de 700 millions de dollars.

Le défi des Petits marchés

Un des acquis de la révolution tranquille et du rapport parent est sans aucun doute l’accessibilité à l’éducation supérieure partout au Québec. Il faut se rappeler la situation antérieure, où cette accessibilité était très limitée, davantage encore pour les gens vivant en région.

Au tournant des années 2000, le gouvernement modifie le mode de financement du réseau collégial, fixé désormais selon le nombre d’étu­diantes et d’étudiants inscrits. Moins de personnes inscrites signi­fie moins d’argent, moins de programmes offerts, moins de personnel enseignant, moins de cours, moins d’attraction. Daniel Mary, enseignant au cégep de Saint-Félicien, en a vécu les conséquences : « cela a affecté tout de suite les petits cégeps, particulièrement ceux dans les régions en baisse démographique. certains ont dû fermer des programmes d’étude. la question est devenue comment survivre. Le nombre d’étu­diantes et d’étudiants régionaux diminuant, les conditions de travail du personnel, moins nombreux, se sont détériorées et il y a eu une augmen­tation de la tâche pour les enseignantes et enseignants restants. Cela affecte aussi la région. Un programme d’étude qui ferme est une perte d’expertise technique, sociale et humaine pour la région. Une perte de personnes compétentes et actives, qui vont souvent aller chercher un emploi ailleurs[18]. » Les établissements ont développé différentes straté­gies pour pallier à la situation : développement de programmes pointus pour attirer des étudiantes et étudiants d’autres régions et recrutement de clientèle étrangère. Plusieurs établissements ne survivent que grâce à leur créativité à trouver des solutions.

La situation est la même chose pour les universités. Traditionnellement, elles se retrouvent dans les grands centres. Avec le réseau de l’UQ, elles sont arrivées en régions et ont favorisé une accessibilité à des étudiantes et des étudiants qui seraient partis étudier ailleurs. Défavorisées par les règles de financement, les universités régionales font de plus en plus appel à la clientèle internationale ou à la délocalisation. L'UQAC a maintenant un pavillon à Montréal. À quand un volet de financement qui maintiendrait le rôle des universités en région ?

  1. « porter le flambeau! », Procès-verbal du 31e Congrès FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 5
  2. « porter le flambeau! », Procès-verbal du 31e Congrès de la FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 5
  3. « J’enseigne… changeons le monde! », Procès-verbal du 25e Congrès FNEEQ, juin 2000, rapport des activités de la fédération, p. 10-11
  4. entrevue accordée à Jacques Gauthier par Ronald Cameron le 29 avril 2019
  5. « porter le flambeau! », Procès-verbal du 31e Congrès de la FNEEQ, mai 2015, rapport des activités de la fédération, p. 4
  6. « réorganiser le travail», FNEEQ actualité, vol. 11, no 2, juin 1997, p. 13
  7. entrevue accordée à Jacques Gauthier par Pierre Patry le 27 mai 2019
  8. comité école et société, « une autre réforme en éducation», FNEEQ actualité, vol. 11, no 1, mars 1997, p. 4
  9. Mot du comité exécutif, Procès-verbal du 24e Congrès de la FNEEQ, juin 2000, p. 84
  10. comité école et société, « la défense de l’enseignement collégial», FNEEQ actualité, vol. 11, no 2, juin 1997, p. 8
  11. France Desaulniers, « les juges unanimes à déclarer la loi 111 inconstitutionnelle», Carnets, no 1, p. 13
  12. l’internationale de l’éducation (IE) regroupe 32 millions d’employées et employés de l’éducation réunis dans 391 organisations réparties dans 179 pays et territoires à travers le monde. [ei-ie.org/ fr/detailpage/4350/a-pro- pos-de-lie]
  13. entrevue accordée à Jacques Gauthier par Laval Rioux le 29 mai 2019
  14. France Desaulniers, « l’éducation face à la mondialisation», Carnets, vol. 1, no 2, juin 2001
  15. Pierre Patry, « extraits du mot de bienvenue de Pierre Patry », Carnets, vol. 1, no 2, juin 2001, p. 11
  16. entrevue accordée à Jacques Gauthier par Denis Choinière le 14 mai 2019
  17. Micheline Thibodeau, « le sous-financement a assez duré : investissons dans le réseau des cégeps! », Carnet collégial, no 1, mars 2007, p. 11
  18. entrevue accordée à Jacques Gauthier par Daniel Mary le 12 avril 2019